mardi 27 novembre 2012

Dégustez Gourmandes.


Bonjour ami lecteur, hier soir, alors que je me tenais dans mon fauteuil favori, serein, contemplatif, le regard perdu dans les reflets pourpres de la robe délicate de cet excellent « V » de la maison Vergelegen, je laissais mon esprit vagabonder rêvant à cette lointaine terre d’Afrique où ce nectar avait vu jour.

Je songeais aux hommes d’abord. Ceux qui, depuis Jan van Riebeeck mettent leur savoir-faire, leur patience et leur force au service de la satisfaction de nos papilles. Car dans tout bon vin il y’a du sang, de la sueur et des larmes…

Du sang d’abord… Le sang de la terre dont on déchire le sein pour creuser les sillons… Le sang des hommes encore… Et dans le cas précis de mon verre de Cabernet Sud-Af’, celui des Afrikaners qui tombèrent pour préserver leurs terres de la rapacité Britannique… Te rends-tu comptes ami lecteur que sans le sacrifice de ces hommes, ces terres fertiles n’auraient jamais produit que la bière tiédasse que l’Anglois affectionne…

La sueur ensuite… Beaucoup… Des litres de sueurs… de celle qui perle au front de celui qui plante les pieds dans le sol schisteux, à celle qui coule le long de l’échine tordue du vendangeur… Sueur de l’effort… Même en nos temps d’extrême mécanisation, la vigne a ses exigences que seule la main délicate de l’homme peut satisfaire… La vigne est une maitresse difficile… Une que l’on n’apprivoise qu’en y mettant les formes… De la douceur surtout… Travail d’orfèvre pour ne point abimer les grains délicats… Moment sublime où leur dur et délicat labeur fait des damnés de la terre les demiurges initiant la subtile alchimie…

Et des larmes aussi bien sûr pour compléter le triptyque… Les larmes de Dieu… Oh, attention ami lecteur, pas le dieu vindicatif et jaloux toujours prêt à punir… Pas le dieu que nous vendent les fous qui parlent en son nom pour régenter nos vies… Pas le dieu bête et méchant des autres là… Les mous de la coiffe fanés du slibard… Non… Le mien… Celui que je te cause parfois et qui aime la vie et les libations…
Celui qui pleure souvent devant notre connerie mais qui verse aussi des larmes de joies...
Et ce sont ces perles divines qui abreuvent la treille… Il me l’a dit le bougre lors d’une de nos innombrables conversations… Il m’a conté son bonheur devant les merveilles de sa création quand elle sert une si noble cause que de désaltérer les corps et les âmes…
Ses larmes… La pluie… La pluie nourricière qui gorge les grains… La pluie qui le cède bientôt au soleil pour faire venir les sucres…

Alors je pense à l’homme encore… L’homme toujours… Qui scrute le ciel… Qui palpe ses grappes vermillonnes… Qui goute et qui attend… Tout est aussi affaire de patience… Puis vient donc le temps de la récolte, celui de la pression… Efforts encore… Sueur toujours… et l’attente de nouveaux… Le cycle est immuable qui conduit le breuvage du Cep au tonneau.
Le vin se fait Diogène avant de servir Bacchus… Il dort en son fût de chêne… Se construit une charpente, un corps, des parfums, des effluves… Il attend… Il patiente… Jusqu’à ce que le palais avisé du maitre de chai lui donne son quitus… Lui vote son bon de sortie… Direction la boutanche… Tout seul ou avec d’autres cépages… Divins mélanges… Judicieux assemblages… De l’équilibre avant toutes choses…
Le travail se fait Art.

Et moi de lever mon verre à tous ceux qui l’ont rempli, à ceux qui ont œuvré à sa conception là-bas aux confins des terres Australes.

Tu vois, lecteur adoré, boire est chez moi un profond acte d’amour… D’amour des hommes moi que les esprits chagrins aiment à réputer misanthrope dès que je leur crie contre… C’est plus commode tu comprends… En m’accusant de n’aimer personne ils pensent se dédouaner des raisons pour lesquelles je les honnis parfois… L’amour des hommes donc quand ils œuvrent pour faire la vie meilleure…
Déguster le fruit de leur travail en en savourant chaque goûte est un acte de respect, un acte de reconnaissance, un acte de foi aussi…
Et c’est aussi pour ça, parce que je sais très bien que qui trop embrasse, mal étreint, que je ne bois pas trop souvent… Sans modération qui n’est qu’un pique-assiette, un empêcheur, un contrariant… Mais avec volupté et délice qui savent se faire désirer et son assez avares de leur visite…

Alors qu’ils ne viennent pas me les briser les ceusses que je vois déjà qui froncent le nez… Qui récriminent… Qui me Loi-Evintisent…
De quoi ? Faire l’apologie de l’alcool, ce breuvage du diable qui ravale l’homme au rang de la bête... Ils m’en veulent… Me traitent de pousse au crime… D’irresponsable… D’alcoolique qui n’a même pas la décence de rester anonyme…
Alors je reprends une nouvelle gorgée de ce divin breuvage, je m’humecte la langue pour mieux leur cracher contre… Je remplis ma vessie pour mieux… tu m’as compris…
Mais qu’est-ce qu’ils ont donc ces tristes sires… Ils confondent tout… L’ivresse et la saoulerie… Ils te parlent d’abus et de danger avant de te laisser le loisir de simplement déguster et apprécier… Toujours voir le côté obscur… La sainte trouille… Principe de précaution de mes belles deux…
Qui a bu, boira qu’il disait l’autre con… Comme si un verre en entrainait forcément un autre…
Mais moi, je ne bois jamais d’alcool… Je le déguste… Je ne cherche pas l’ivresse mais le goût, la saveur… La découverte aussi, comme ce vin du bout du monde qui chante sur ma langue… Moi qui fus élevé entre Bourgogne et Côtes du Rhône… Mais qui sait apprécier ce qui nous vient d’ailleurs.

Voilà ami lecteur, je bois la dernière goute… Mon verre et vide… Mon dernier verre jusqu’au prochain qui sera peut-être d’un tout autre cépage ou d’un tout autre fruit, fermenté ou distillé, selon mon humeur… Tiens, le prochain je le lèverai à ta santé mon cher lecteur… Je le goûterai à ton honneur ma chère lectrice… Nous le partagerons virtuellement et j’espère que tu sauras le déguster…