vendredi 27 septembre 2013

Du Mouron à se faire.



Bonjour ami lecteur. T’as vu la Une de Valeurs Actuelles ? « L’Invasion » qu’ils titrent les sinistres cafards, le tout en grandes lettrines sur un montage photographique nous présentant une Marianne affublée d’un Tchador. 
Le doigt est pointé, l’ennemie désigné, haro sur le Musulman, pauvre baudet de nos fables modernes, omni-responsable de tous les malheurs du monde.

Bon, le coup de la Patrie en Danger, ce n’est pas la première fois qu’on nous le fait. Faut dire qu’elle est gironde la belle, la France que l’on nous dépeint, celle que l’on nous montre avec moult attraits et autres appâts. Tu ne vas pas me dire, étaler ces charmes comme cela, c’est un appel au viol comme le dirait le premier gros beauf machiste venu. Alors tu m’étonnes que l’on veuille nous la voler notre chère France de mes belles deux.
Si on n’y prête pas garde, à dormir sur nos lauriers de Peuple des Lumières, des Droits de l’Homme et autres conneries périphériques, un matin on va se réveiller devant un grand vide. Poum ! Envolée la France. Partie. Disparue. Embarquée par quelque monte-en-l’air habile à notre nez et à nos moustaches gauloises… Main basse sur la France ! Et sur ses valeurs ! Tu te rends compte ?
Non, on doit faire gaffe. Redoubler de prudence. Surtout en ces temps où la crise économique, les guerres, et toutes les autres calamités dont on nous parle à la télé et dans les journaux, jettent sur les routes tant tellement de pauvres malheureux…
Alors faut redoubler de prudence, se tenir prêt. On ne va pas se laisser piquer la France sous nos pieds quand même. Mais faut qu’on s’organise. On va se constituer en Milices. Faire des rondes. Signaler tous individus suspects aux autorités compétentes, avant qu’il soit trop tard. Principe de précaution.

Quel ramassis de conneries. J’en rigolerais presque tiens s’ils n’essayaient pas de mettre des noms sur le visage de leurs voleurs de France imaginaires et de les dénoncer avant même que le sinistre forfait ne soit commis, le délit avéré, les dommages constatés.
Et là, c’est Valeurs Actuelles qui s’y colle. Et ça me navre d’autant plus que, pour tout à droite qu’il puisse être, ce journal n’avait pas jusqu’ici donné dans ce Populisme de bas étages et de mauvais aloi. Un signe des temps bien plus inquiétant que la possibilité lointaine et vaporeuse de se faire braquer la France si tu veux mon avis.
Après ses représentants politiques, ce sont les relais médiatiques de la Droite Française qui semblent à présent tirer des bords de plus en plus près des rives Front-Nationaleuses… Devraient se gaffer pourtant. Le dernier qui s’est trop approché d’un rivage, on sait comme ça a fini. Le con.
Le pire c’est quand tu réalises que parmi les plumes contribuant au quotidien il en est de belles et de celles qu’on ne s’attendrait pas à voir associées à une telle mascarade.
Parce que, que les idées nauséabondes véhiculées par le FN, trouvent quelques échos auprès de la plèbe, en ces périodes de crise globale qui ont montré l’impuissance de nos élites nationales à les juguler. Soit. De tout temps, ces périodes ont été propices à la résurgence des pires vilénies. A chaque malheur il faut un coupable et des malheurs il y en a. Il y en a moins sans doute d’ailleurs que les médias veulent bien nous en convaincre mais que veux-tu. A force de s’entendre dire que tout va mal. On commence à y croire.
Bref, que quelques gogos naïfs se laissent prendre dans les rets des extrémistes de tout poil, que quelques mous du bulbe s’abandonnent au chant des sirènes nationalistes, que les inquiétudes et les incertitudes incitent à chercher refuges dans la supposé solidité de valeurs nébuleuses… Je l’admets. Je trouve ça con, mais je peux le comprendre.
Mais que de supposées élites, que de soi-disant intellectuels, énoncent les mêmes diagnostiques fallacieux, proposent les mêmes causes aux mêmes effets, et suggèrent les mêmes remèdes supposés miracles… Honte à eux. Et en l’espèce, honte à vous Yves de Kerdrel d’avoir commis cette forfaiture et cette indignité.

Je vais te dire, ami lecteur, ce numéro de Valeurs Actuelles, je ne l’ai pas acheté, je ne vais pas filer mon obole à ces glands, alors je ne me prononcerai pas sur le contenu. Mais la Une. Puisque c’est de cela que je voulais parler initialement. Une véritable honte ! L’exemple même de tout ce que je déteste. Je vais te le dire tel que c’est parce que le Ytse te dit toujours la vérité. Quand j’ai vu cette Une, j’ai immédiatement pensé à ces affiches de propagande antisémite qui faisaient florès dans les années 30-40. Les mêmes raccourcis, les mêmes amalgames. Du grand art, il faut le reconnaitre. Le poids des mots encore, le choc des images toujours.
Dans cette Une abjecte, tout est justement dans les mots et l’image qui se répondent, se font écho, se renvoient l’un à l’autre.

Les mots d’abord, et leur casse, leur police. « L’Invasion », le plus gros, celui qui marque, que l’on voit de loin. Celui qui fait peur surtout, avec tout ce qu’il suggère comme catastrophes et autres horreurs.
Puis après c’est le « Qu’on cache » qu’on remarque. Habituelle rhétorique vénéneuse au parfum de poubelle. Le Complot ! Le Complot ! Le Complot. On vous cache tout. On ne vous dit rien. Mais nous on sait et on va vous l’expliquer. Et les cons de lire et de croire. De croire à cette chimère létale qui s’avancerait en rampant, toute prête à se jeter sur nous pour mieux nous dévorer.
Et puis surtout, en plus petit, comme un chuchotis de conspirateur : « Naturalisés ». Voilà. On sait de quoi on cause et d’où vient l’Invasion. Elle vient de l’intérieur ma pauvre madame. De tous ces étrangers dont on ferrait des français à tour de bras. Des naturalisés par milliers, que dis-je par millions… Deux millions de Maliens rien qu’à Montreuil ! C’est vous dire. Et tant pis si les études démographiques prouvent le contraire.
De simples mots sans doute, de simples mots j’en conviens bien, mais dont l’association me donne la nausée.

Et puis il y a ce montage, ce buste de Marianne voilé. Quelle honte encore ! Ils ne reculent devant rien les infâmes propagateurs de haine. Les salauds imbéciles. Les voilà qui te désignent un ennemi, te le jettent en pâture à la vindicte populaire, te tressent la corde pour le lynchage qu’ils appellent de leurs vœux.
Le Musulman ! Le voilà nommé l’insidieux envahisseur ! La voilà ouverte la porte à tous les fantasmes. Vous vous rendez compte, ma pauvre dame, si on laisse faire… Des forêts de Minarets, nos bonnes vieilles traditions foulées à la babouche, l’Invasion je vous dis ! Et la conversion forcée comme inéluctable corolaire ! Tous Musulmans dans pas dix ans. C’est où la Mecque que je commence à prier le bon prophète après des années d’erreur ?
Et le Martel ? Cet autre Charles qui en son temps nous avait épargné cette infamie ? N’y en aurait-il pas un pour nous venir en aide ? Avant que…
Mais quels cons. Quels sinistres et horribles cons que tous ces affreux annonciateurs de péril vert !

Tiens, puisque c’est ça, puisque la France est en péril et le danger partout. Moi, je vais te dire, je me casse à l’étranger. En Suisse tiens. Ca doit pas être mal la Suisse.

jeudi 19 septembre 2013

La fin des Haricots.


Bonjour ami lecteur. Septembre s’étire avec lenteur, à petits pas il nous amène vers les rives de l’automne naissant. Le petit pas du promeneur qui flâne sans but ni raison, sur les chemins, en rêvassant.
Ne trouves-tu pas que les langueurs de Septembre résonnent comme les sanglots longs d’une mélopée nostalgique ? Un interlude léger entre deux mouvements de la symphonie de la vie.
Septembre est un pont entre les fleurs fraiches de l’été qui se fanent et les éclats de pourpre et d’or qui iriseront bientôt nos villes et nos campagnes. Un instant où l’on pourrait presque voir le temps suspendre son vol infini.

Et la nostalgie donc. Délicate alchimie qui change les jours défunts en souvenirs qu’on commémore sans fleur ni couronne. Pas de regrets éternels ici. La nostalgie est une fête, la célébration d’un passé qui, pour être révolu n’en fut pas moins heureux.
Moi, tu me connais : toujours joyeux, gai, primesautier, peu de soucis, pas de chagrins. Je coule ma douce existence sur les rives de mon lac enchanté sans trop songer au lendemain.
Trop occupé à vivre le jour présent dans la quiétude de mes terres vaudoises. Mon cher foyer. Les bras de ma douce et les rires des enfants que le temps emporte parfois avec lui mais pour mieux nous les ramener. Quelques bons amis, même si point trop n’en faut, et quelques savoureux nectars pour les agapes idoines…
Savourer, gouter avec délice aux petites joies quotidiennes, en apprécier chaque seconde qui s’égrène dans le grand sablier… et se forger les souvenirs de demain.
Car le présent est fugace, c’est un éphémère qui nait, vit et meurt dans la même seconde. Tellement ténu qu’il serait presque immatériel. Il est comme l’eau vive coulant entre nos doigts, il s’enfuit déjà, il s’échappe, il n’est plus. Ou plutôt, il n’est plus qu’un souvenir. Une image. Une icône. Et la nostalgie n’est autre que le conservateur averti de notre petit musée personnel. Elle arrange, elle ordonne, elle nous présente ces œuvres qui furent les nôtres : les souvenirs présents de nos heures passées.

Le long fleuve tranquille du temps s’écoule inexorablement et nous entraine vers cet estuaire que l’on espère lointain. Le grand océan du vide. La fin.
Oh, les rives sont belles et la croisière plaisante. A chaque instant. Chaque seconde. Milles petits bonheurs à vivre entre les écluses qui parsèment le parcours. Tous ces gens que tu croises et qui te font signe depuis les chemins de halage.
Et ce courant toujours plus fort qui t’emporte. Tu as beau hisser-haut les focs et les trinquettes, courir dans les haubans, tirer des bords et louvoyer, tu ne peux pas lutter. Le vent te pousse vers le grand large. Alors plutôt que de te démener en vain, plutôt que de passer de bâbord en tribord et de tirer sur les drisses à t’en bruler les mains. Laisse béton.
Contente-toi de tenir la barre pour que ton vaisseau file droit et évite les récifs scélérats qui affleurent de-ci de-là. Les yeux fixés sur l’horizon dis-toi que le meilleur reste à venir.
Et pour mieux t’en convaincre revis les jours enfuis. Repense à toutes ces belles choses qui te sont arrivées. Ce que tu as vécu et que tu peux vivre encore.
La Nostalgie est ton compas, ta boussole. Elle te rappelle la direction, celle qui te mènera à bon port, l’inexorable havre, sans que tu ne t’égares en chemin.

Car là est bien l’important. Puisque la destination est connue, puisque tout voyage à son terminus, alors seules importent les escales. Quelles soient nombreuses, belles, fastueuses, joyeuses. Et que chacune forge un souvenir impérissable pour que tu puisses la revivre sans fin et ainsi atteindre un bout d’éternité.
La nostalgie est un élixir de jouvence. La source pure conférant l’immortalité à celui qui sait s’y abreuver avec raison. Elle est d’utilité publique. Elle devrait être remboursée par la Lamal s’il elle avait quelque valeur pécuniaire.
Mais elle ne coute rien que le petit effort de s’y abandonner.

Et si le temps coure. Si chaque jour qui passe fait du futur d’hier le passé de demain. Si chacun de tes pas te rapproche de ton dernier, de l’ultime avant le grand saut. Après tout qu’importe.
La nostalgie est là pour, le temps d’une rêverie, inverser le cours du temps.

vendredi 13 septembre 2013

Des clients pour la Morgue.


Bonjour ami lecteur. Alors, t’entends ces bruits de bottes qui vont et viennent depuis quelques semaines ? Ils s’approchent et puis s’éloignent comme un fou qui tourne en rond dans sa cellule capitonnée. Moi, depuis hier je les entends d’autant plus qu’ils se sont mis à résonner sous les ors d’un palace Genevois où les Russes et les Ricains se sont donnés rendez-vous pour essayer de ne pas faire péter la planète.

La guerre, la guerre, la guerre… On en parle, on l’évoque à demi-mots… On la réclame ou on la dénonce, un peu comme si celle qui se profile à l’horizon des lointains désert de Syrie était la première depuis lulurre. Les va-t’en-guerre s’opposent aux pacifistes et les interventionnistes à ceux qui préfèrent fermer les yeux. Chacun avec ses convictions, chacun avec ses raisons qui toutes sont entendables tout en oubliant fondamentalement que la guerre reste la pire des solutions quel que soit le problème posé. Problèmes que les guerres n’ont d’ailleurs jamais résolus.

Déjà, l’histoire montre que ceux qui déclarent les guerres ne sont jamais ceux qui les font. Les bons apôtres de la « Guerre Juste » donnent rarement leur propre sang. Ils se réunissent dans la confortable quiétude de leurs bureaux et décident du sort des pauvres clampins qu’ils vont envoyer se faire trucider loin de leurs yeux myopes de vieux birbes cacochymes.
Tu me diras, les conflits modernes et leur contingent d’armes à la technologie toujours plus sophistiquée ont eu le mérite d’étendre le champ de bataille bien au-delà du pré carré de naguère. Le son du canon au petit matin n’est plus réservé au trouffion tremblant de peur et de froid dans sa tranchée bourbeuse. Blitz, Blitz, Blitz ! Tout le monde peut se prendre une bombe à fragmentation sur le coin de la courge, en tout lieu et à toute heure.
Sans parler de la menace de résurgences d’attentats terroristes qui nous est brandit dès lors que l’Etat que l’on se prépare à attaquer a quelques accointances suspectes avec certains réseaux.
Bref, fini le temps où le pékin moyen se délectait du récit des exploits de sémillants grognards ou de braves poilus en lisant son journal du matin tout en trempant paisiblement son croissant dans sa tasse de café. Tu parles que les journaux te peignaient le truc en tricolore à te faire passer les sanglantes batailles pour des parties de campagnes bucoliques. Alors il bichait le gars devant son journal. Il regrettait presque de ne pas y être le con. A dégommer du Boche ou du Rosbif selon les temps et les mœurs du moment. Mais plus de ça maintenant. Terré dans sa cave qu’il le lit son journal. Casque sur la tête et la main sur les couilles au cas où.
Alors c’est sûr, les élans cocardiers à la con comme on en a vus en 1914, quand beaucoup de petits gars s’en sont allés la fleur au fusil sous les vivas de la foule en liesse, ne sont plus de rigueur.
Il faut la convaincre l’opinion publique à présent. Lui dire que si nos enfants vont aller se faire trouer la paillasse ici ou là-bas c’est pour le bien du monde et de sa périphérie.
Même la patrie en danger ne fait plus recette. Maréchal nous voilà, mon cul. Tu parles. Depuis le temps qu’elle les cocufie ladite patrie, ils sont nombreux à lui dire de se démerder lorsqu’elle est en péril.
Et puis qui y croit à la France en danger de nos jours à part les mous du bulbe qui voient des ennemis partout et craignent d’autant plus leur propre ombre que cette dernière a quand même l’air un peu noire…euh louche…

Alors on nous vend le truc comme on peut. On nous parle de peuples opprimés, de dangers pour l’équilibre du monde civilisé. Et on brode, et on invente…
On nous fantasme des armes de destructions bien massives qui n’existent pas ou ont au pire un rayon d’action de 3m50.
On s’abrite derrière des résolutions onusiennes pour donner de la légitimité au massacre sous prétexte qu’il serait une réponse à la barbarie. Réponse que l’on nous garantit mesurée et contrôlée. Même si personne n’est à l’abri de quelques dommages collatéraux certes toujours regrettables. Mais tu connais l’histoire de l’omelette et des œufs y afférant. Hein ? Alors, bon, on peut balancer une bombe guidée par satellite dans la cheminée d’un chef terroriste mais si c’est toute sa famille qu’est au coin du feu benh qui peut-on ? Et si on s’est gouré d’adresse itou. Ça t’arrive jamais toi de te tromper d’adresse ? Hein ? Alors…
Et les journaleux ? A part quelques-uns. Comment qu’ils s’empressent de te relayer la campagne promotionnelle orchestrée par les gouvernements bellicistes… Faut dire. La guerre ! Tu parles d’une aubaine pour eux. Ils vont pouvoir en vendre du papier.
Avant, pour te dire pourquoi il faut la faire.
Pendant, pour te la raconter par le menu, avec force détails, poids des mots et choc des photos.
Et après pour t’expliquer pourquoi on n’aurait pas dû y aller finalement.
La guerre est une putain de rente pour les empires médiatiques. Remember CNN et sa guerre du golfe en mondio-vision !

D’ailleurs tu le sais bien qu’au-delà de tous les atours dont on peut la parer, la guerre c’est avant tout une histoire de pognon ! Là est sa justification profonde. Remplir les fouilles sans fond des puissants. Elle nourrit les riches en enterrant les pauvres comme disait le poète. C’est tellement vrai ! Ô combien d’Empires, Combien de grosses fortunes se sont épanouis sur le terreau fertile des champs de batailles ? Combien de pauvres ères, tombés aux champs du déshonneur n’ont au final été que de l’engrais dont ont fait les richesses.
La guerre génère de l’argent autant qu’elle fauche les vies… Avant, pendant, après. Rien ne se perd à part la vie de quelques malheureux. Rien ne se crée, à part quelques veuves et quelques orphelins. Tout se transforme et surtout le malheur des uns en argent des autres.
Je vais même te dire un truc. C’est de pire en pire.
Parce que tu vois, le père Pierrafeu, quand il allait matraquer la courge de son voisin à grand coups de gourdin, c’est sa caverne, sa femme, son territoire de chasse qu’il défendait. S’il y passait dans l’aventure, au moins il mourrait pour sa pomme, en son âme et conscience.
Après, le temps passant et la société d’organisant, l’homme s’est mis à vivre en groupe, en bande, en meute, puis en village et en tribus. Avec des chefs pour organiser le tout. Là déjà, lorsque le père Pierreafix, se peignait la gueule en bleu pour aller pourfendre le voisin, je suis moins certain qu’il était toujours d’accord avec les motifs du conflit.
Puis sont venus les temps féodaux où là le pauvre Pierreafouille se retrouvait dans l’ost du seigneur du coin et l’avait dans l’os par la même occasion. Il devait se battre pour étendre les terres, et donc les revenus de son seigneur et maitre… Ou à tout le moins pour les préserver. Pas pour lui. Parce qu’en plus, si d’aventure c’est l’autre qui l’emportait et que Pierreafouille survivait à la baston, benh rien ne changeait pour lui. La guerre n’avait défait un seigneur que pour en faire un autre. Alors le brave croquant reprenait sa houe et sa herse et s’en allait creuser les sillons pour son nouveau maitre. Forçat de la terre un jour, forçat de la terre toujours.
Ah, pis à la même époque y’avait aussi l’Eglise qui envoyait ses enfants se faire trouer la panse en Terre soi-disant sainte sous prétexte que les gens du coin s’étaient trouver un nouveau prophète à adorer. A tout le moins les puissants d’alors, les seigneurs et autres nobliaux, voire même les rois, payaient de leur personne sur les champs de bataille au point d’y laisser la vie quelque fois.
Après on a fait une révolution qui non seulement n’a jamais éliminé ce que tu sais mais encore moins les guerres. D’ailleurs c’est à cette époque qu’on a aussi commencé à faire des guerres au nom d’un idéal. La patrie des Lumières qui s’en va éclairer le monde et tant pis si la clarté qu’elle apporte est parfois plus noire que la nuit. Je te passe le Napoléon et son Empire de mes belles deux, construit dans le choc des escadrons et le bruit furieux des clairons… Les corps déchiquetés des malheureux soldats de la soi-disant grande armée surtout...
D’autant que les progrès de la science et des techniques te rendaient les batailles de plus en plus meurtrières. La révolution industrielle était aussi passée par là. On pouvait à présent produire tout et n’importe quoi en série au point que les capacités de productions risquaient bien de dépasser les besoins. Alors les besoins il a bien fallu les créer.
D’où nos vadrouilles aux quatre coins du monde au prétexte d’aller apporter la civilisation à ceux qui ne nous demandaient rien. A grands coups de pompes dans le train ont les a formatés à notre modèle occidental. En oubliant pas de leur piller leurs ressources naturelles au passage. Hein. Tu penses. Et en oubliant encore moins d’en faire les clients de nos industries.
Quant aux Marchands de mort, ceux qui développaient, construisaient, vendaient des armes de plus en plus létales, tu parles qu’ils en voulaient de la bonne guerre bien meurtrière et consommatrice en armes et munitions.
Au tournant du vingtième siècle, dans le petit matin blême du 1er janvier 1901, je suis sûr que tout un tas de doux rêveurs devaient regarder vers l’avenir en le voyant tout chatoyant de beaux tons pastels. On entrait dans l’âge de raison, un siècle de paix et de bonheur s’annonçait. Tu parles. Le pire siècle de l’histoire de l’humanité en termes de barbarie ! Deux conflits mondiaux et des génocides à foison. Des millions et des millions de morts. Carnages horribles et imbéciles.
Plus jamais ça qu’ils disaient au sortir de 14-18. Benh voyons.
Une fois tout bien reconstruit, avec les revenus qui vont avec. Une fois les insouciantes années folles envolées. La Crise qui se pointe. L’économie qui tousse. Les nantis qui voient leurs gras portefeuilles maigrir plus vite qu’une bimbo à l’approche de l’été. Tu penses qu’ils ne pouvaient pas tolérer… Même si s’étaient eux qu’avaient générer la crise par leur avidité sans borne.
Alors rien de tel qu’une bonne guerre. On en appelle à Mars… et ça repart.
Alors oui, il y avait bien un petit moustachu histéro et ses sbires dégénérés aux manettes, tout ça… Mais faut voir aussi les causes derrières son arrivée au pouvoir… Mais bon ce n’est pas le sujet…

D’ailleurs tu l’as bien compris, hein ? Aujourd’hui encore plus qu’hier les guerres servent les intérêts de quelques-uns tout en tuant quelques autres… Les quelques autres étant infiniment plus nombreux que les quelques-uns. Bien entendu.
Le Grand Hugo nous peignait la guerre comme une buveuse de sang qui entrainait les hommes dans cette ivrognerie. Moi, tu me connais. Immense respect pour le père Hugo. Mais en l’espèce il se trompe. Ce n’est pas la guerre elle-même qui se saoul du sang des malheureux que la faucheuse moissonne dans le chaos des champs de batailles. Les vrais vampires ce sont ceux qui tirent les ficelles dans les coulisses et se nourrissent ensuite des profits générés par les conflits qu’ils ont souvent allumés eux-mêmes, à moins qu’ils ne se soient contentés de souffler sur les braises qui couvaient encore sous les cendres d’une guerre passée, d’une précédente boucherie.

Bref, en fin de compte peut-être qu’on la fera pas cette guerre en Syrie. Mais ne te goures pas. C’est reculer pour mieux sauter. Y’en aura d’autres des guerres. Et encore plus d’autres clients pour la morgue qui n’ont rien demandé à personne. Mais, y’a tant de blé à se faire.