Bonjour
à toi ami lecteur… Mais peut-être ferais-je bien de commencer par te demander
de bien vouloir me présenter ta Carte Nationale d’Identité avant que de
t’entretenir de la suite. Sans doute devrais-je m’assurer que c’est bien à toi
que je m’adresse, toi qui me lis dans ton fauteuil… Toi et toi seul… Parce que
par les temps qui courent, on ne sait jamais, et pour ce que l’on m’en dit, il
est tout à fait de l’ordre du possible que ce ne soit pas toi qui me lis mais…
ton remplaçant.
Parce
que voilà, on entend dire ici ou là, on peut le lire plus encore, de partout,
sur la toile et jusque dans les livres à succès, Le Grand Remplacement est en
marche ! Le danger n’est plus à nos portes, il les a allégrement
franchies, profitant du laxisme coupable de nos chers gouvernants
latitudinaires qui les tinrent ouvertes aux quatre vents, ouvertes surtout au
Marin qui souffle d’où tu sais… Bref, ça tourne au vinaigre pour nos pommes…
Enfin, c’est ce que disent ceux qui savent, ceux à qui on ne la fait pas, ceux
qui ont compris…
Mais
Le Grand Remplacement de quoi, par qui ? Hein ? Et puis pourquoi
Grand d’abord, y’en aurait-il un petit ? Cela à l’air très grave en tous
cas… Très, très grave même… Pire, affirment certains… Possiblement létal. Alors
comme, un homme averti en vaut deux, peut-être convient-il de se renseigner…
sur ce Grand Remplacement.
Je
pourrais, là, me contenter de reprendre l’inventeur même du concept, l’éminent
Renaud Camus, qui affirme que « le Grand
Remplacement n'a pas besoin de définition »… C’est commode… D’ailleurs, et
toujours selon lui, « le Grand
Remplacement [ne serait même] pas un
concept »… Oups… Au temps pour moi… Alors, le Grand Remplacement, à tout
prendre, qu’est-ce ?
Et
comme il faut mieux s’adresser au Dieu Camus (le faux, pas le Grand Albert)
qu’à son Saint Zemmour (le vrai… de toute façon il n’y en a pas d’autres), écoutons-le encore nous dire que Le Grand
Remplacement consiste en la substitution d'un peuple « occupant le même territoire depuis quinze ou vingt siècles [par] un ou plusieurs autres peuples ». Un peu
comme les Indiens d’Amérique ? Ou pour rester franco-français, ce brave
Neandertal disparu dans les limbes de l’histoire, remplacé par
l’Homo-Sapiens ?
Non,
parce que Camus (le faux) précise que ce remplacement, sans doute pour pouvoir être
qualifier de Grand, doit survenir en l'espace d'« une ou deux générations ». Or Il a fallu pour les remplacer, un peu
(les Indiens) ou beaucoup (Neandertal) plus de temps que le simple passage
d’une ou deux générations… Ce n’est donc pas d’eux dont on nous parle.
Il
ne saurait pas non plus s’agir des Celtes, ou plutôt de leur Gauloise engeance,
romanisés par le fer avant de l’être par l’esprit… Pas plus que de leurs
remplaçants, remplacés à leur tour par les Ostrogoths, Wisigoths et tous les
Goths du monde qui, déjà, profitant de la déliquescence de la société Romaine
et de ses mœurs, en avaient traitreusement profité pour venir s’implanter…
Non,
parce que aucun des peuples ainsi bouté hors, remplacé donc, ne pouvait se prévaloir
d’une présence de quinze à vingt siècles…
Quant
au remplacement le plus sauvage, le plus pernicieux, celui orchestré par les
Parigoths, lointains descendants des autres cités plus haut, qui depuis 1936 et
à chaque estive et chaque hivernage s’en viennent remplacer les populations
autochtones… Et que ça t’envahie le midi, et que ça t’occupe les côtes
Normandes, et que ça te fond sur l’Aquitaine, et que ça se bouscule aux portes
des Alpes…
Parce
que là, c’est le remplacement qui n’est pas assez durable, puisque ils, les
Parigoths, ont le bon ton de s’en retourner chez eux régulièrement… Certes pour
mieux revenir, mais au moins ils vont et viennent… Un remplacement alternatif
en quelque sorte qui, dès lors, ne saurait non plus être qualifié de Grand.
Alors
quoi ? Alors qui ? Alors qu’est-ce ? Quel est ce Grand
Remplacement dont nous causent les journaux ?
Toujours
d’après Camus, le faux encore hein, pas Bébert… D’ailleurs je lui donnerais
bien du Renaud, au gars Camus (le faux) pour éviter la confusion avec l’autre
Camus (l’illustre) mais on pourrait alors croire que je parle du poète du même
prénom… Et cela serait encore plus confus étant entendu que nul ne verrait ce
que Renaud (le vrai) viendrait faire dans cette galère… Bref, selon Renaud Camus,
le diariste ultradroitier, Le Grand Remplacement ne serait ni plus, ni moins
que : « le phénomène le plus
considérable de l'histoire de France depuis des siècles, et probablement depuis
toujours… »… T’imagines donc bien la porter du truc, l’étendue du
problème… Bref, comme je l’écrivais tantôt, ça tourne au vinaigre et en cinq
mots comme en cent : on est dans la merde…
Enfin,
d’après lui, d’après eux… Y’aurait urgence… D’ailleurs, ils ont créé un
Front ! Il fallait bien ça… Parce qu’il ne t’aura pas échappé, ô sagace
lecteur, que le Front, quel qu’il soit, est la panacée universelle, la réponse
à tous les problèmes, l’arme ultime à laquelle on fait appel quand il ne reste
plus aucun espoir, un peu comme le Capitaine Flam de quand j’étais minot… Au
bon vieux temps d’avant… D’avant le Grand Remplacement bien sûr…
Qu’il
soit National, Républicain, de Gauche ou de Libération de quelque chose, un
Front c’est la dernière chance, le dernier carré, la garde qui meurt comme une
conne plutôt que de se rendre… Depuis la nuit des temps, avant même les
désormais célèbres 300 connards sur la ligne de départ du défilé des
Thermophiles, on a toujours eu besoin de Frontistes, d’ultimes remparts pour
nous défendre contre tout un tas de trucs et de machins, divers et variés mais
fortement nuisibles ou supposés tels… Alors face au Grand Remplacement,
« la plus grave crise de notre
histoire et le problème le plus sévère que nous devions affronter
aujourd'hui », comme dirait l’autre, tu te doutes qu’il en fallait un,
de Front… D’où le NCPC pour Non au Changement de Peuple et de Civilisation…
Un
Front donc, sans doute pour faire le nombre et moins se sentir seul… Il faut dire
que, ça fait grave flipper, Le Grand Remplacement… Pardon… Je m’égare. Je
voulais écrire : il faut dire qu’un phénomène comme Le Grand Remplacement
est susceptible d’effrayer jusqu’aux plus hardis, je précise, avant qu’on ne me
répute acculturé et par là-même, suppôt du Grand Remplacement… Le Grand
Remplacement fait donc peur, il effraye… Surtout les peureux de nature… Or,
comme disait Gandhi : « La
force du nombre [...] réjouit […] le peureux. »…
Donc
voilà, l’heure de la lutte finale est venue, groupons-nous, et demain Le Grand
Remplacement ne sera pas le genre humain… Entrons en résistance, quitte à
devoir entrer aussi dans la clandestinité…
Et,
comme tout bon mouvement qui se respecte, commençons par un Appel ! C’est
important, l’appel, ça vous pose un mouvement… En l’espèce ce sera l’appel du
11 septembre (un hasard sans doute) 2013…
Un
appel dans lequel on criera haro sur l’ennemi : « le mensonge, le silence imposé sur ce qui
survient, cette façon qu’ont les deux pouvoirs, médiatique et politique, de
faire comme si le Grand Remplacement et les désastres qu’il entraîne n’étaient
pas l’évidence qui crève les yeux et les écrans. »…
Magnifique,
n’est-ce pas ? Y-eut-il appel mieux formulé depuis le fameux du 18
juin ?
Parce
que tout y est : juste ce qu’il faut d’imprécision afin que chacun puisse
y voire midi à sa porte… Et le Vulgus Pecus d’opiner du bonnet, du bonnet d’âne
en l’occurrence, et de se dire que bien sûr « le mensonge », certainement « le silence sur ce qui survient »… On ne sait pas qui mais ON
nous ment, on ne sait pas quoi mais CA survient…
Une
bonne grosse louche des deux pouvoirs… Tu penses bien… Les deux mamelles de la
bête… Les Médias et les Politiques… L’éternelle coterie qui complote à notre
perte… Parce que franchement, si dans ton argumentaire tu ne critiques ni la
presse, ni la classe politique, t’as raté ton appel, et si tu manques ton
appel, dans le meilleur des cas tu ne sautes pas très loin, dans le pire tu te
vautres…
On
ajoute un léger soupçon d’alarmisme en évoquant des « désastres » pour bien montrer la dangerosité de la chose.
Comme le disait Alain : « Le
conteur, qui veut faire paraître des choses absentes, y réussit bien mieux par
le frisson de la peur que par une suite raisonnable de causes et d'effets. »
Et
on finit en liant le tout par une bonne grosse affirmation péremptoire sonnant
le glas de toutes les controverses, à faire taire les plus hardis des
contempteurs possibles… Parce que bien évidemment, l’objet de notre ire, ce
Grand Remplacement, ne saurait être autre chose qu’une « évidence qui crève les yeux et les écrans »…
Un phénomène, un processus tant tellement évident qu’il nous faut faire un
Appel pour le dénoncer, créer un front… Mais bon…
Voilà,
le problème est posé, l’ennemi désigné… A toutes fins utiles, on précisera que «nous ne sommes pas les forces du mal : ce
n’est pas nous qui mettons le pays à feu et à sang. La morale est de notre côté
dans ce combat »… Des fois qu’il y en ait encore qui aient des doutes
sur les justes et les bons dans cette affaire…
Jusqu’ici
ça va… On comprend qu’il y un Grand Remplacement en cours, qu’on nous le cache
même s’il crève les yeux, là le concept commence à m’échapper un peu, mais
admettons, et on précise qu’il, Le Grand Remplacement, est potentiellement
désastreux… Soit… Mais j’aurais presque envie de demander : « So
what ? » si je ne craignais qu’on m’oppose, le Petit Remplacement de
la noble langue française, par la novlangue franglish (ou franglaise)… Un « Et alors ? » serait donc sans
doute de meilleur aloi… Dont acte : Le Grand Remplacement certes, mais et
alors ?
Alors :
« il faut lui dire NON de toute urgence ».
Au Grand Remplacement ? D’accord… Mais encore ?
Il
faut dire « NON au changement de
peuple »… Ah bon ? Mais qu’est-ce à dire ?
Il
faut dire « NON à la poursuite de
l’immigration, NON aux naturalisations de masse », ah benh voilà…
Comme ça c’est clair… On commence à comprendre à qui on a affaire… Surtout
quand ils précisent qu’il faut dire « NON
à l’islamisation ». La voilà leur angoisse, elle est là leur Grande
Peur, comme l’expression particulière d’un Syndrome de Capgras où tout un
chacun ne serait plus remplacé par des sosies mystérieux et malintentionnés
mais par de vils barbus un tantinet plus bronzés que nos petits poulbots comme
le chantait l’artiste.
L’immigration,
la somme de toutes les peurs, la mère de tous les maux, la bête à dix cornes et
sept têtes… Le coupable idéal aussi, le coupable tout trouvé surtout, le dol
commun à tous les quérulents qui en font la raison de tous leurs problèmes
réels ou supposés… L’immigration et son corolaire, l’Immigré, dont Ambrose
Bierce disait qu’il était un « individu
mal informé qui pense qu’un pays est meilleur qu’un autre »… L’Immigré
vu comme un de ces Cuculinae qui préfèrent parasiter le nid des autres plutôt
que de s’en construire un lui-même et dont la progéniture finit par prendre la
place de celle de ses accueillants, même si ignorants, parents d’adoption…
Le
Coucou ! Le parfait symbole du Grand Remplacement et de ses dangers… J’en
fais même cadeau à ses thuriféraires s’ils n’y avaient pas pensé… Sauf qu’à les
entendre, le sinistre volatile aurait déjà quitté sa forêt lointaine et que ce
serait du haut de notre propre chêne qu’il répondrait aux hiboux… Vous savez,
cet autre volatile qui dort le jour et… vole la nuit… Entre oiseaux de mauvais
augure on se comprend… Je suppose.
Tout
ça pour ça donc… De nouveaux mots, un nouveau concept, pour de vieilles lunes,
avec toujours le même étranger, cet individu vaguement louche, trop différent
pour être honnête, le métèque qui ne vient plus boire les vingt ans de nos
belles, ni manger notre pain, mais bel et bien nous remplacer !
Pas
de quoi ce mettre martel en tête, si tu veux mon avis, et encore moins en
appeler au Charles du même nom pour arrêter les Arabes à Poitiers comme on
l’apprenait minots. Un con d’ailleurs ce Charles, si je puis me permettre.
Parce qu’à sa glorieuse époque, si les Omeyyades avaient remplacé quelque
chose, c’eut été une civilisation franque un peu en décrépitude par une autre
civilisation autrement plus brillante… Et, eusse-t-il manqué son rendez-vous de
Poitiers, ce brave Charles, qu’on ne se poserait plus la question de
l’Islamisation galopante de la France aux abois… Mais bon, ceci est une autre
histoire…
Bref,
rien de nouveau sous le soleil, on retape, on rénove, une couche de peinture
par-ci, un coup de marteau par-là, on rhabille de neuf les peurs ancestrales et
les idées qu’elles suscitent… Un petit coup de balai pour se refaire une
virginité… Mais l’odeur est toujours la même, prégnante, méphitique,
insupportable, l’odeur de la haine… Et là pour le coup oui, ça tourne vraiment
au vinaigre.