Putain de porte… J’ai du pousser pire qu’un seconde barre sud-af. pour
l’ouvrir. L’humidité, le bois qui avait gonflé… Il faut dire que cela faisait
un bail que je ne l’avais pas franchi, cette porte. Une légère angoisse
m’étreint au moment de tourner le commutateur. Y’a-t-il encore de la
lumière ? Ai-je payé mon écot à EDF ? Ou quel que soit le nom du
vampire étatique qui nous ponctionne pour que la lumière soit. Elle fut !
Petit coup d’œil circulaire. Tout à l’air en ordre. Un fin tapis de
poussière terni mon magnifique parquet (en vrai bois d’arbre, je le rappelle
aux anciens), le cuir pleine fleur des fauteuils est un peu terni et les
tentures murales quelque peu défraichies, mais rien d’irréparable cependant… Il
suffira d’ouvrir en grand les fenêtres, faire pénétrer la belle lumière que
nous offre ce début d’automne des plus ensoleillé, un coup de balai par-ci, un
coup de chiffon par-là, encaustique et huile de coudes…
Je m’avance vers le bar, en chêne massif si tu te rappelles. Là aussi
la poussière a pris ses aises et le vieux journal que j’avais laissé là la fois
précédente semble presque faire partie du zinc à présent. Je me saisis du
canard, pas celui qui est enchainé, un autre… La date en haut de la page, au
dessus du gros titre barrant la Une : 9 janvier 2015… Il y a une éternité…
Nous étions plus ou moins tous Charly à l’époque… La France qui défilait dans
la rue pour défendre sa liberté, la Liberté, avec un putain de « L »
majuscule… C’était beau… Surtout quelques mois après que quelques milliers
d’abrutis aient battu le pavé pour défiler contre la liberté d'autres qu'eux… Mais
c’est une autre histoire et j’ai assez dit ce que je pensais de ces manifs pour
tous…
Je balance le baveux dans la poubelle. Ca schlingue dur, la faute à ce
sandwich au thon, déjà infect à l’origine et que j’avais jeté là après la
seconde bouchée. Daunat si tu me lis… Je passe derrière le comptoir, les
étagères sont toujours bien garnies, que du bon tu t’en doutes. Du moelleux ou
du corrosif, mais du bon, de l’excellent même. Et puis l’avantage avec ces
produits à haut degré d’alcool, c’est qu’ils se conservent longtemps…
Tout semble donc en ordre, je vais pouvoir rouvrir… Mais attention,
ouverture à la seule (mauvaise) volonté du patron, et le boss, c’est bibi, le
gars moi-même, mézigue, le seul, l’unique… Donc si tu veux du H24, voir du H25
suppôt du grand capital comme je te sais, ce n’est pas ici que tu vas le
trouver… Travailler le dimanche : mon cul… Et les autres jours : faut
voir. Donc, pas la peine de m’adresser suppliques et autres lettres de menace,
de venir tambouriner pieds et poings contre l’huis clos de mon petit espace. Si
c’est ouvert, c’est ouvert, t’entres et tu fais comme chez toi. Si c’est fermé,
c’est fermé et tu fais de même avec ta gueule. Je ne promets rien, pas me
mettre d’obligation la moindre. Parce que moi, vous me connaissez, je tiens
toujours mes promesses, je dis ce que je fais et je fais ce que je dis et tant
mieux si ça hérisse les poils des uns et des autres. Et toi, je te connais
itou, si je m’en venais ici à prendre des engagements inconsidérés, tu
t’empresserais de venir me geindre contre au premier écart de ma part…
Ma prochaine scribouille paraitra… quand elle paraitra… peut-être
demain… peut-être dans une semaine ou dans un mois… Peut-être jamais… J’suis
tenté… Ca serait assez savoureux d’avoir susciter un énorme espoir et de te
laisser quimper… Faut que j’y réfléchisse…