jeudi 8 novembre 2012

Y'a de l'Action !


Bonjour cher lecteur… Tu as du remarquer, qu’entre autres petits aménagements, j’avais changé le nom de mon petit bastringue afin de ne plus me faire houspiller par les mal embouchés qui m’objectaient contre qu’un blog de sport est un blog de sport et me honnissaient pour oser quelques digressions dans des domaines pourtant fort intéressants…
Je n’ai pas changé d’Adresse par contre… hein… histoire de pas trop te perturber…donc tu peux toujours venir pour les vacances ou en tout autre temps qui te conviendra… Tu sais où me trouver…
Ceci dit, moi tu me connais, l’art du contre-pied ! Toujours… Comme au bon vieux temps de ma prime jeunesse et de mes Cad’ Deb’ chaloupés… C’est pourquoi, bien que ma nouvelle raison sociale m’ouvre moult horizons nouveaux, je m’en vais quand même te parler sport une fois de plus…
Et comme il n’aura pas échappé à ta sagacité que ce Samedi s'ouvre le bal des tournées d’Automne qui voient nos amis Septentrionaux venir visiter nos vertes contrées… Tu te doutes que c’est de Rugby que je vais te parler…

Alors, bien sûr et comme souvent, entre moi et le Rugby, au commencement était l’Image et le Verbe… L’image de la télévision de l’instituteur chez qui nous nous retrouvions tous, puisqu’il était le seul à en posséder une dans mon petit village au fond de ma vallée perdue… L’Hiver y était rude et nous faisions une longue route dans la neige, dans le vent et dans la froidure hivernale… Mais la récompense était au bout puisque, arrivés chez Mr L’instituteur, on pouvait enfin se réchauffer à son poêle… Nous, nous étions trop pauvres pour en avoir un à la maison et… Bon allez… Je galèje… Essuie la larme qui perle à ton œil… Tranquilou dans le salon de mes parents que je matais les matches du Tournoi.
Je devais avoir dans les dix ans à l’époque, dans l’aube naissante des années quatre-vingt… et donc avec les images venait le verbe, mais pas n’importe lequel, celui de l’ami Roger et de son compère Bala… Le Verbe haut, le verbe clair aux accents d’épopées… Je vivais la Saga des Bleus à travers les mots presque plus que je ne la suivais à l’écran… Y’avait de l’action et les mots pour le dire.

Faut dire que du haut de mes dix ans je ne comprenais pas tout à ce sport hautement intellectuel… Mais peu m’importait… Je rêvais…Porté par le flot du babille Coudercien qui me comptait l’histoire haute en couleur de ces solides gaillards partis à la conquête du plus précieux des trophées d’alors…
Souvenir de 1981… Troisième Grand Chelem de l’équipe de France et le premier de mémoire d’Ytse qui était encore minot en Septante Sept quand la bande à Fouroux, joueur et capitaine en ce temps-là, s’embarqua pour sa glorieuse odyssée… Une aventure à 15… Pas un de moins, pas un de plus… Les 15 mêmes bonhommes du début à la fin… Faut dire que c’était le temps où l’on mourrait sur le terrain…  15 Noms que je pourrais sans doute chercher sur Wikipédia ou tout autre expédient permettant d’étaler un savoir qu’on a pas… Mais j’y vais de mémoire… Et pour avoir entendu moult récit de cette merveilleuse épopée je peux quand même citer, sans risque de me tromper,  Aguirre, arrière de grand talent… Aguirre où le Bonheur de Dieu qui s’émerveille de sa propre création… Et Romeu, Et Rives bien sûr et Skrela père… Imbernon l’usapiste et Paparemborde… Mais ce ne sont là que de faux souvenirs construits au cours des longues soirées d’hiver où l’on me comptait les exploits des anciens…
Donc pour en revenir à mes souvenirs réels, et à ce Grand Chelem de 1981, alors que je découvrais émerveillé ce petit monde d’ovalie, ce sont aussi surtout des noms qui me reviennent… Les noms de quasi-demiurges qui roulaient sous la langue preste de Roger Couderc… Dospital, Paparemborde encore, Imbernon toujours et Rives et Berbiz’ bien sûr… Et Laporte… Pas Bernard… Non. Non. Le Vrai… Guy de son prénom. Codornioux, Bertranne et Pardo… et Blanco le funambule… Surtout, y’avait de l’action… De quoi meubler sans peine ces longues journées d’hiver…
Petit bout d’homme que j’étais, je regardais ces colosses batailler, dans le sang, la sueur et les rires, pour conquérir de haute lutte le titre honorifique.

Et déjà, ce jeu atypique et frondeur, ce jeu viril et noble, ce jeu qui nous parle d’aventure, de combat, de conquête mais aussi de copains, de camarades, de frères…
Ce jeu  qui nous parle de la France aussi… La France des Villes et celle des Champs, unis dans une même passion… Ecoute ami lecteur… Ecoute l’écho de nos montagnes réciter la litanie mélodieuse des participants au Championnat d’alors… Ecoute… La Voulte, Oloron, Stadoceste, Carcassonne, Bagnère de Bigorre, Mazamet, Tyrosse… N’est-ce point douce musique à nos oreilles que ces noms magnifiques…
Bref, ce jeu à nul autre pareil parlait à mon Cœur de Pirate, à mon âme de Mauvais Garçon, à mon côté Anar… Ça avait l’air bien… Tant tellement… Fallait que j’aille voir ça de plus prêt… Ajouter l’Odeur, le Goût et le Toucher à l’Image et au son…
Et j’y suis allé. J’ai franchi le Rugbycon… J’ai pris Licence… Chaussé les crampons, revêtu la lourde tunique de coton, l’habit de lumière… et j’ai foulé mes premiers terrains…
A l’aile toute d’abord… A l’aile et à Droite moi qui ne suis d’aucun bord… A l’aile vu mon gabarit de l’époque, plus proche de la crevette que de l’Athlète que j’allais devenir… Soixante Kilos… Maillot compris… Soixante Trois Kilo cinquante quand il pleuvait et que ledit maillot pesait le poids d’un âne mort sur mes frêles épaules…
« A l’Aile » m’a-t-on dit… Là où la vie est censée être belle pourvu que la balle y arrive… Ce qui était bien rare… A l’Aile, loin de l’action… Loin du combat… En un temps où seuls les Gros allaient à la mine… et croyez-moi, dans ma Vallée de l’Ondaine, ils savaient ce que ça voulait dire…Eux les petits-fils de gueules noires venues de Pologne, d’Italie ou d’Espagne, de France et de Navarre pour s’en venir creuser la terre… Pauvre Martin, Martinski, Martini, Martinez… Oui… La mine et le charbon… Le dur labeur… Ils connaissaient mes Gros… Et là… Y’avait de l’action… Et de la bonne... Bouffe… Marrons… Tartes… Poires…

C’était surtout le temps de l’apprentissage, le temps où l’on doit faire ses gammes dans un rugby finalement très codifié… Chacun sa place, chacun son homme… Y’en aura pour tout le monde…
Ca j’adorais aussi… Tout le monde ! Fernand le Rigolo, le petit gros à lunette dont je n’ai jamais bien su le nom, Robert le Grand Costaud…et tant…et tous… Chacun sa place, chacun son rôle…
Moi on m’a dit « Vas à l’aile… et si par un fabuleux hasard la mechigue t’échoie, ne la laisse pas choir, va, cours, vole… et te fais pas chopper. »…
Alors j’ai obéi… Pas longtemps… Frondeur un jour, rebelle toujours… J’ai glissé… Lentement… Insidieusement… Me rapprocher de là où ça se passait… Sournoisement aussi un peu… Chipeur le Renard avant l’heure le Ytse… et hop… Que je me faufile entre mes deux centres et que je t’attrape cette balle tant attendue et que je la serre sur mon cœur, et que je cours, et que je cours et que je meurs, découpé en douze par les deux centres adverses sous l’œil goguenard de mes coéquipiers… Ouaip… Y’a bien eu de l’action mais les miennes étaient en berne…
Crois-moi… Leçon apprise… Sur le bout des crampons des gars d’en face… Au Rugby, y’a pas de héro… La guerre ne se gagne pas seul…et surtout pas à l’aile… T’es pas armé… La Charge de la Brigade Légère… On sait comment ça finit…

Et le temps passe… J’étoffais mon jeu… M’étoffais moi-même… Un jour j’ai eu Dix Sept ans… Mes cheveux ne volaient pas dans le vent vu que je les portais courts à l’époque… et moi je ne volais pas non plus vraiment sur le terrain… 13 secondes au Cent mètres, ça ne m’autorisait pas à rêver à des cavalcades endiablées… Surtout… Le Ytse, il a toujours aimé les contacts humains… L’évitement ? Pas pour lui… On m’avait dit : « Fait du sport tu feras des rencontres »… Au pied de la lettre que je l’ai pris…
Boumbadaboum… Droit devant… Percussion blindée… Muscu aussi un peu… Pas mourir trop jeune…
20 ans… Le niveau monte… Je me recentre…  Douze ! Premier Centre ! Presque au cœur de l’action… Attaque…et que je te rentre dans le lard… Défense et que je te découpe…
Et la ligne… putain de ligne Maginot imaginaire… « Attaque la ligne ! »… « Défend ta ligne !» qu’il me hurlait le coach… Et cette pluie qui tombe… Ce maillot, plus léger à présent mais qui te colle à la peau… La boue… Le sang… Les volutes de condensation qui s’élèvent au-dessus des corps entremêlés… La Mêlée… La chasse gardée des gros… Le secret que je ne partagerai que bien plus tard au crépuscule de ma carrière quand je ferai quelques piges en Troisième Barre… La Mêlée donc… Là-bas… Un pont d’hommes… Un pont si loin… Et le demi de mêlée qui prend la balle, l’offre à l’ouvreur…qui perce… Je suis là… près de lui…pour lui… il ne me voit pas… Il me sent… Il me sait… La balle vole… Elle est à moi… Et je percute… Le choc… Il fléchit… Je passe les bras et la balle à mon suivant… Il court à son tour… Je tombe et le regarde filer vers son destin… Je me relève… me replace… ça repart… Ah putain que c’était bon…et y’avait de l’action…Crois moi…

C’est fini… Trop vieux le Ytse… Trop pris aussi… Quatre ans déjà que j’ai raccroché les crampons… Je les ai toujours…  Deux paires… Mes maillots… Un short… Prêt… Au cas où… Le cycle de la vie m’a rattrapé… Je suis revenu devant ma télé… J’y serai samedi soir... Et j'espère qu'y'aura de l'action…