mardi 28 octobre 2014

Ca tourne au Vinaigre.


Bonjour à toi ami lecteur… Mais peut-être ferais-je bien de commencer par te demander de bien vouloir me présenter ta Carte Nationale d’Identité avant que de t’entretenir de la suite. Sans doute devrais-je m’assurer que c’est bien à toi que je m’adresse, toi qui me lis dans ton fauteuil… Toi et toi seul… Parce que par les temps qui courent, on ne sait jamais, et pour ce que l’on m’en dit, il est tout à fait de l’ordre du possible que ce ne soit pas toi qui me lis mais… ton remplaçant.

Parce que voilà, on entend dire ici ou là, on peut le lire plus encore, de partout, sur la toile et jusque dans les livres à succès, Le Grand Remplacement est en marche ! Le danger n’est plus à nos portes, il les a allégrement franchies, profitant du laxisme coupable de nos chers gouvernants latitudinaires qui les tinrent ouvertes aux quatre vents, ouvertes surtout au Marin qui souffle d’où tu sais… Bref, ça tourne au vinaigre pour nos pommes… Enfin, c’est ce que disent ceux qui savent, ceux à qui on ne la fait pas, ceux qui ont compris…

Mais Le Grand Remplacement de quoi, par qui ? Hein ? Et puis pourquoi Grand d’abord, y’en aurait-il un petit ? Cela à l’air très grave en tous cas… Très, très grave même… Pire, affirment certains… Possiblement létal. Alors comme, un homme averti en vaut deux, peut-être convient-il de se renseigner… sur ce Grand Remplacement.
Je pourrais, là, me contenter de reprendre l’inventeur même du concept, l’éminent Renaud Camus, qui affirme que « le Grand Remplacement n'a pas besoin de définition »… C’est commode… D’ailleurs, et toujours selon lui, « le Grand Remplacement [ne serait même] pas un concept »… Oups… Au temps pour moi… Alors, le Grand Remplacement, à tout prendre, qu’est-ce ?
Et comme il faut mieux s’adresser au Dieu Camus (le faux, pas le Grand Albert) qu’à son Saint Zemmour (le vrai… de toute façon il n’y en a pas d’autres),  écoutons-le encore nous dire que Le Grand Remplacement consiste en la substitution d'un peuple « occupant le même territoire depuis quinze ou vingt siècles [par] un ou plusieurs autres peuples ». Un peu comme les Indiens d’Amérique ? Ou pour rester franco-français, ce brave Neandertal disparu dans les limbes de l’histoire, remplacé par l’Homo-Sapiens ?
Non, parce que Camus (le faux) précise que ce remplacement, sans doute pour pouvoir être qualifier de Grand, doit survenir en l'espace d'« une ou deux générations ». Or Il a fallu pour les remplacer, un peu (les Indiens) ou beaucoup (Neandertal) plus de temps que le simple passage d’une ou deux générations… Ce n’est donc pas d’eux dont on nous parle.

Il ne saurait pas non plus s’agir des Celtes, ou plutôt de leur Gauloise engeance, romanisés par le fer avant de l’être par l’esprit… Pas plus que de leurs remplaçants, remplacés à leur tour par les Ostrogoths, Wisigoths et tous les Goths du monde qui, déjà, profitant de la déliquescence de la société Romaine et de ses mœurs, en avaient traitreusement profité pour venir s’implanter…
Non, parce que aucun des peuples ainsi bouté hors, remplacé donc, ne pouvait se prévaloir d’une présence de quinze à vingt siècles…
Quant au remplacement le plus sauvage, le plus pernicieux, celui orchestré par les Parigoths, lointains descendants des autres cités plus haut, qui depuis 1936 et à chaque estive et chaque hivernage s’en viennent remplacer les populations autochtones… Et que ça t’envahie le midi, et que ça t’occupe les côtes Normandes, et que ça te fond sur l’Aquitaine, et que ça se bouscule aux portes des Alpes…
Parce que là, c’est le remplacement qui n’est pas assez durable, puisque ils, les Parigoths, ont le bon ton de s’en retourner chez eux régulièrement… Certes pour mieux revenir, mais au moins ils vont et viennent… Un remplacement alternatif en quelque sorte qui, dès lors, ne saurait non plus être qualifié de Grand.
Alors quoi ? Alors qui ? Alors qu’est-ce ? Quel est ce Grand Remplacement dont nous causent les journaux ?

Toujours d’après Camus, le faux encore hein, pas Bébert… D’ailleurs je lui donnerais bien du Renaud, au gars Camus (le faux) pour éviter la confusion avec l’autre Camus (l’illustre) mais on pourrait alors croire que je parle du poète du même prénom… Et cela serait encore plus confus étant entendu que nul ne verrait ce que Renaud (le vrai) viendrait faire dans cette galère… Bref, selon Renaud Camus, le diariste ultradroitier, Le Grand Remplacement ne serait ni plus, ni moins que : « le phénomène le plus considérable de l'histoire de France depuis des siècles, et probablement depuis toujours… »… T’imagines donc bien la porter du truc, l’étendue du problème… Bref, comme je l’écrivais tantôt, ça tourne au vinaigre et en cinq mots comme en cent : on est dans la merde…
Enfin, d’après lui, d’après eux… Y’aurait urgence… D’ailleurs, ils ont créé un Front ! Il fallait bien ça… Parce qu’il ne t’aura pas échappé, ô sagace lecteur, que le Front, quel qu’il soit, est la panacée universelle, la réponse à tous les problèmes, l’arme ultime à laquelle on fait appel quand il ne reste plus aucun espoir, un peu comme le Capitaine Flam de quand j’étais minot… Au bon vieux temps d’avant… D’avant le Grand Remplacement bien sûr…

Qu’il soit National, Républicain, de Gauche ou de Libération de quelque chose, un Front c’est la dernière chance, le dernier carré, la garde qui meurt comme une conne plutôt que de se rendre… Depuis la nuit des temps, avant même les désormais célèbres 300 connards sur la ligne de départ du défilé des Thermophiles, on a toujours eu besoin de Frontistes, d’ultimes remparts pour nous défendre contre tout un tas de trucs et de machins, divers et variés mais fortement nuisibles ou supposés tels… Alors face au Grand Remplacement, « la plus grave crise de notre histoire et le problème le plus sévère que nous devions affronter aujourd'hui », comme dirait l’autre, tu te doutes qu’il en fallait un, de Front… D’où le NCPC pour Non au Changement de Peuple et de Civilisation…
Un Front donc, sans doute pour faire le nombre et moins se sentir seul… Il faut dire que, ça fait grave flipper, Le Grand Remplacement… Pardon… Je m’égare. Je voulais écrire : il faut dire qu’un phénomène comme Le Grand Remplacement est susceptible d’effrayer jusqu’aux plus hardis, je précise, avant qu’on ne me répute acculturé et par là-même, suppôt du Grand Remplacement… Le Grand Remplacement fait donc peur, il effraye… Surtout les peureux de nature… Or, comme disait Gandhi : « La force du nombre [...] réjouit […] le peureux. »…
Donc voilà, l’heure de la lutte finale est venue, groupons-nous, et demain Le Grand Remplacement ne sera pas le genre humain… Entrons en résistance, quitte à devoir entrer aussi dans la clandestinité…

Et, comme tout bon mouvement qui se respecte, commençons par un Appel ! C’est important, l’appel, ça vous pose un mouvement… En l’espèce ce sera l’appel du 11 septembre (un hasard sans doute) 2013…
Un appel dans lequel on criera haro sur l’ennemi : « le mensonge, le silence imposé sur ce qui survient, cette façon qu’ont les deux pouvoirs, médiatique et politique, de faire comme si le Grand Remplacement et les désastres qu’il entraîne n’étaient pas l’évidence qui crève les yeux et les écrans. »…
Magnifique, n’est-ce pas ? Y-eut-il appel mieux formulé depuis le fameux du 18 juin ?
Parce que tout y est : juste ce qu’il faut d’imprécision afin que chacun puisse y voire midi à sa porte… Et le Vulgus Pecus d’opiner du bonnet, du bonnet d’âne en l’occurrence, et de se dire que bien sûr « le mensonge », certainement « le silence sur ce qui survient »… On ne sait pas qui mais ON nous ment, on ne sait pas quoi mais CA survient…
Une bonne grosse louche des deux pouvoirs… Tu penses bien… Les deux mamelles de la bête… Les Médias et les Politiques… L’éternelle coterie qui complote à notre perte… Parce que franchement, si dans ton argumentaire tu ne critiques ni la presse, ni la classe politique, t’as raté ton appel, et si tu manques ton appel, dans le meilleur des cas tu ne sautes pas très loin, dans le pire tu te vautres…
On ajoute un léger soupçon d’alarmisme en évoquant des « désastres » pour bien montrer la dangerosité de la chose. Comme le disait Alain : « Le conteur, qui veut faire paraître des choses absentes, y réussit bien mieux par le frisson de la peur que par une suite raisonnable de causes et d'effets. »
Et on finit en liant le tout par une bonne grosse affirmation péremptoire sonnant le glas de toutes les controverses, à faire taire les plus hardis des contempteurs possibles… Parce que bien évidemment, l’objet de notre ire, ce Grand Remplacement, ne saurait être autre chose qu’une « évidence qui crève les yeux et les écrans »… Un phénomène, un processus tant tellement évident qu’il nous faut faire un Appel pour le dénoncer, créer un front… Mais bon…
Voilà, le problème est posé, l’ennemi désigné… A toutes fins utiles, on précisera que «nous ne sommes pas les forces du mal : ce n’est pas nous qui mettons le pays à feu et à sang. La morale est de notre côté dans ce combat »… Des fois qu’il y en ait encore qui aient des doutes sur les justes et les bons dans cette affaire…
Jusqu’ici ça va… On comprend qu’il y un Grand Remplacement en cours, qu’on nous le cache même s’il crève les yeux, là le concept commence à m’échapper un peu, mais admettons, et on précise qu’il, Le Grand Remplacement, est potentiellement désastreux… Soit… Mais j’aurais presque envie de demander : « So what ? » si je ne craignais qu’on m’oppose, le Petit Remplacement de la noble langue française, par la novlangue franglish (ou franglaise)…  Un « Et alors ? » serait donc sans doute de meilleur aloi… Dont acte : Le Grand Remplacement certes, mais et alors ?

Alors : « il faut lui dire NON de toute urgence ». Au Grand Remplacement ? D’accord… Mais encore ?
Il faut dire « NON au changement de peuple »… Ah bon ? Mais qu’est-ce à dire ?
Il faut dire « NON à la poursuite de l’immigration, NON aux naturalisations de masse », ah benh voilà… Comme ça c’est clair… On commence à comprendre à qui on a affaire… Surtout quand ils précisent qu’il faut dire « NON à l’islamisation ». La voilà leur angoisse, elle est là leur Grande Peur, comme l’expression particulière d’un Syndrome de Capgras où tout un chacun ne serait plus remplacé par des sosies mystérieux et malintentionnés mais par de vils barbus un tantinet plus bronzés que nos petits poulbots comme le chantait l’artiste.
L’immigration, la somme de toutes les peurs, la mère de tous les maux, la bête à dix cornes et sept têtes… Le coupable idéal aussi, le coupable tout trouvé surtout, le dol commun à tous les quérulents qui en font la raison de tous leurs problèmes réels ou supposés… L’immigration et son corolaire, l’Immigré, dont Ambrose Bierce disait qu’il était un « individu mal informé qui pense qu’un pays est meilleur qu’un autre »… L’Immigré vu comme un de ces Cuculinae qui préfèrent parasiter le nid des autres plutôt que de s’en construire un lui-même et dont la progéniture finit par prendre la place de celle de ses accueillants, même si ignorants, parents d’adoption…
Le Coucou ! Le parfait symbole du Grand Remplacement et de ses dangers… J’en fais même cadeau à ses thuriféraires s’ils n’y avaient pas pensé… Sauf qu’à les entendre, le sinistre volatile aurait déjà quitté sa forêt lointaine et que ce serait du haut de notre propre chêne qu’il répondrait aux hiboux… Vous savez, cet autre volatile qui dort le jour et… vole la nuit… Entre oiseaux de mauvais augure on se comprend… Je suppose.

Tout ça pour ça donc… De nouveaux mots, un nouveau concept, pour de vieilles lunes, avec toujours le même étranger, cet individu vaguement louche, trop différent pour être honnête, le métèque qui ne vient plus boire les vingt ans de nos belles, ni manger notre pain, mais bel et bien nous remplacer !
Pas de quoi ce mettre martel en tête, si tu veux mon avis, et encore moins en appeler au Charles du même nom pour arrêter les Arabes à Poitiers comme on l’apprenait minots. Un con d’ailleurs ce Charles, si je puis me permettre. Parce qu’à sa glorieuse époque, si les Omeyyades avaient remplacé quelque chose, c’eut été une civilisation franque un peu en décrépitude par une autre civilisation autrement plus brillante… Et, eusse-t-il manqué son rendez-vous de Poitiers, ce brave Charles, qu’on ne se poserait plus la question de l’Islamisation galopante de la France aux abois… Mais bon, ceci est une autre histoire…
Bref, rien de nouveau sous le soleil, on retape, on rénove, une couche de peinture par-ci, un coup de marteau par-là, on rhabille de neuf les peurs ancestrales et les idées qu’elles suscitent… Un petit coup de balai pour se refaire une virginité… Mais l’odeur est toujours la même, prégnante, méphitique, insupportable, l’odeur de la haine… Et là pour le coup oui, ça tourne vraiment au vinaigre.