Bonjour
ami lecteur. T’as vu la Une de Valeurs Actuelles ?
« L’Invasion » qu’ils titrent les sinistres cafards, le tout en
grandes lettrines sur un montage photographique nous présentant une Marianne
affublée d’un Tchador.
Le
doigt est pointé, l’ennemie désigné, haro sur le Musulman, pauvre baudet de nos
fables modernes, omni-responsable de tous les malheurs du monde.
Bon,
le coup de la Patrie en Danger, ce n’est pas la première fois qu’on nous le
fait. Faut dire qu’elle est gironde la belle, la France que l’on nous dépeint,
celle que l’on nous montre avec moult attraits et autres appâts. Tu ne vas pas
me dire, étaler ces charmes comme cela, c’est un appel au viol comme le dirait
le premier gros beauf machiste venu. Alors tu m’étonnes que l’on veuille nous
la voler notre chère France de mes belles deux.
Si
on n’y prête pas garde, à dormir sur nos lauriers de Peuple des Lumières, des
Droits de l’Homme et autres conneries périphériques, un matin on va se
réveiller devant un grand vide. Poum ! Envolée la France. Partie.
Disparue. Embarquée par quelque monte-en-l’air habile à notre nez et à nos
moustaches gauloises… Main basse sur la France ! Et sur ses valeurs !
Tu te rends compte ?
Non,
on doit faire gaffe. Redoubler de prudence. Surtout en ces temps où la crise
économique, les guerres, et toutes les autres calamités dont on nous parle à la
télé et dans les journaux, jettent sur les routes tant tellement de pauvres
malheureux…
Alors
faut redoubler de prudence, se tenir prêt. On ne va pas se laisser piquer la
France sous nos pieds quand même. Mais faut qu’on s’organise. On va se
constituer en Milices. Faire des rondes. Signaler tous individus suspects aux
autorités compétentes, avant qu’il soit trop tard. Principe de précaution.
Quel ramassis de conneries. J’en rigolerais presque tiens s’ils n’essayaient pas de
mettre des noms sur le visage de leurs voleurs de France imaginaires et de les
dénoncer avant même que le sinistre forfait ne soit commis, le délit avéré, les
dommages constatés.
Et
là, c’est Valeurs Actuelles qui s’y colle. Et ça me navre d’autant plus que,
pour tout à droite qu’il puisse être, ce journal n’avait pas jusqu’ici donné
dans ce Populisme de bas étages et de mauvais aloi. Un signe des temps bien
plus inquiétant que la possibilité lointaine et vaporeuse de se faire braquer
la France si tu veux mon avis.
Après
ses représentants politiques, ce sont les relais médiatiques de la Droite
Française qui semblent à présent tirer des bords de plus en plus près des rives
Front-Nationaleuses… Devraient se gaffer pourtant. Le dernier qui s’est trop
approché d’un rivage, on sait comme ça a fini. Le con.
Le
pire c’est quand tu réalises que parmi les plumes contribuant au quotidien il
en est de belles et de celles qu’on ne s’attendrait pas à voir associées à une
telle mascarade.
Parce
que, que les idées nauséabondes véhiculées par le FN, trouvent quelques échos
auprès de la plèbe, en ces périodes de crise globale qui ont montré
l’impuissance de nos élites nationales à les juguler. Soit. De tout temps, ces
périodes ont été propices à la résurgence des pires vilénies. A chaque malheur
il faut un coupable et des malheurs il y en a. Il y en a moins sans doute d’ailleurs
que les médias veulent bien nous en convaincre mais que veux-tu. A force de
s’entendre dire que tout va mal. On commence à y croire.
Bref,
que quelques gogos naïfs se laissent prendre dans les rets des extrémistes de
tout poil, que quelques mous du bulbe s’abandonnent au chant des sirènes
nationalistes, que les inquiétudes et les incertitudes incitent à chercher
refuges dans la supposé solidité de valeurs nébuleuses… Je l’admets. Je trouve
ça con, mais je peux le comprendre.
Mais
que de supposées élites, que de soi-disant intellectuels, énoncent les mêmes
diagnostiques fallacieux, proposent les mêmes causes aux mêmes effets, et
suggèrent les mêmes remèdes supposés miracles… Honte à eux. Et en l’espèce,
honte à vous Yves de Kerdrel d’avoir commis cette forfaiture et cette indignité.
Je
vais te dire, ami lecteur, ce numéro de Valeurs Actuelles, je ne l’ai pas
acheté, je ne vais pas filer mon obole à ces glands, alors je ne me prononcerai
pas sur le contenu. Mais la Une. Puisque c’est de cela que je voulais parler
initialement. Une véritable honte ! L’exemple même de tout ce que je
déteste. Je vais te le dire tel que c’est parce que le Ytse te dit toujours la
vérité. Quand j’ai vu cette Une, j’ai immédiatement pensé à ces affiches de
propagande antisémite qui faisaient florès dans les années 30-40. Les mêmes
raccourcis, les mêmes amalgames. Du grand art, il faut le reconnaitre. Le poids
des mots encore, le choc des images toujours.
Dans
cette Une abjecte, tout est justement dans les mots et l’image qui se
répondent, se font écho, se renvoient l’un à l’autre.
Les
mots d’abord, et leur casse, leur police. « L’Invasion », le plus
gros, celui qui marque, que l’on voit de loin. Celui qui fait peur surtout, avec
tout ce qu’il suggère comme catastrophes et autres horreurs.
Puis
après c’est le « Qu’on cache » qu’on remarque. Habituelle rhétorique
vénéneuse au parfum de poubelle. Le Complot ! Le Complot ! Le
Complot. On vous cache tout. On ne vous dit rien. Mais nous on sait et on va
vous l’expliquer. Et les cons de lire et de croire. De croire à cette chimère
létale qui s’avancerait en rampant, toute prête à se jeter sur nous pour mieux
nous dévorer.
Et
puis surtout, en plus petit, comme un chuchotis de conspirateur :
« Naturalisés ». Voilà. On sait de quoi on cause et d’où vient
l’Invasion. Elle vient de l’intérieur ma pauvre madame. De tous ces étrangers
dont on ferrait des français à tour de bras. Des naturalisés par milliers, que
dis-je par millions… Deux millions de Maliens rien qu’à Montreuil ! C’est
vous dire. Et tant pis si les études démographiques prouvent le contraire.
De
simples mots sans doute, de simples mots j’en conviens bien, mais dont
l’association me donne la nausée.
Et
puis il y a ce montage, ce buste de Marianne voilé. Quelle honte encore !
Ils ne reculent devant rien les infâmes propagateurs de haine. Les salauds
imbéciles. Les voilà qui te désignent un ennemi, te le jettent en pâture à la
vindicte populaire, te tressent la corde pour le lynchage qu’ils appellent de
leurs vœux.
Le
Musulman ! Le voilà nommé l’insidieux envahisseur ! La voilà ouverte
la porte à tous les fantasmes. Vous vous rendez compte, ma pauvre dame, si on
laisse faire… Des forêts de Minarets, nos bonnes vieilles traditions foulées à
la babouche, l’Invasion je vous dis ! Et la conversion forcée comme
inéluctable corolaire ! Tous Musulmans dans pas dix ans. C’est où la
Mecque que je commence à prier le bon prophète après des années d’erreur ?
Et
le Martel ? Cet autre Charles qui en son temps nous avait épargné cette
infamie ? N’y en aurait-il pas un pour nous venir en aide ? Avant
que…
Mais
quels cons. Quels sinistres et horribles cons que tous ces affreux
annonciateurs de péril vert !
Tiens,
puisque c’est ça, puisque la France est en péril et le danger partout. Moi, je vais
te dire, je me casse à l’étranger. En Suisse tiens. Ca doit pas être mal la
Suisse.