jeudi 19 septembre 2013

La fin des Haricots.


Bonjour ami lecteur. Septembre s’étire avec lenteur, à petits pas il nous amène vers les rives de l’automne naissant. Le petit pas du promeneur qui flâne sans but ni raison, sur les chemins, en rêvassant.
Ne trouves-tu pas que les langueurs de Septembre résonnent comme les sanglots longs d’une mélopée nostalgique ? Un interlude léger entre deux mouvements de la symphonie de la vie.
Septembre est un pont entre les fleurs fraiches de l’été qui se fanent et les éclats de pourpre et d’or qui iriseront bientôt nos villes et nos campagnes. Un instant où l’on pourrait presque voir le temps suspendre son vol infini.

Et la nostalgie donc. Délicate alchimie qui change les jours défunts en souvenirs qu’on commémore sans fleur ni couronne. Pas de regrets éternels ici. La nostalgie est une fête, la célébration d’un passé qui, pour être révolu n’en fut pas moins heureux.
Moi, tu me connais : toujours joyeux, gai, primesautier, peu de soucis, pas de chagrins. Je coule ma douce existence sur les rives de mon lac enchanté sans trop songer au lendemain.
Trop occupé à vivre le jour présent dans la quiétude de mes terres vaudoises. Mon cher foyer. Les bras de ma douce et les rires des enfants que le temps emporte parfois avec lui mais pour mieux nous les ramener. Quelques bons amis, même si point trop n’en faut, et quelques savoureux nectars pour les agapes idoines…
Savourer, gouter avec délice aux petites joies quotidiennes, en apprécier chaque seconde qui s’égrène dans le grand sablier… et se forger les souvenirs de demain.
Car le présent est fugace, c’est un éphémère qui nait, vit et meurt dans la même seconde. Tellement ténu qu’il serait presque immatériel. Il est comme l’eau vive coulant entre nos doigts, il s’enfuit déjà, il s’échappe, il n’est plus. Ou plutôt, il n’est plus qu’un souvenir. Une image. Une icône. Et la nostalgie n’est autre que le conservateur averti de notre petit musée personnel. Elle arrange, elle ordonne, elle nous présente ces œuvres qui furent les nôtres : les souvenirs présents de nos heures passées.

Le long fleuve tranquille du temps s’écoule inexorablement et nous entraine vers cet estuaire que l’on espère lointain. Le grand océan du vide. La fin.
Oh, les rives sont belles et la croisière plaisante. A chaque instant. Chaque seconde. Milles petits bonheurs à vivre entre les écluses qui parsèment le parcours. Tous ces gens que tu croises et qui te font signe depuis les chemins de halage.
Et ce courant toujours plus fort qui t’emporte. Tu as beau hisser-haut les focs et les trinquettes, courir dans les haubans, tirer des bords et louvoyer, tu ne peux pas lutter. Le vent te pousse vers le grand large. Alors plutôt que de te démener en vain, plutôt que de passer de bâbord en tribord et de tirer sur les drisses à t’en bruler les mains. Laisse béton.
Contente-toi de tenir la barre pour que ton vaisseau file droit et évite les récifs scélérats qui affleurent de-ci de-là. Les yeux fixés sur l’horizon dis-toi que le meilleur reste à venir.
Et pour mieux t’en convaincre revis les jours enfuis. Repense à toutes ces belles choses qui te sont arrivées. Ce que tu as vécu et que tu peux vivre encore.
La Nostalgie est ton compas, ta boussole. Elle te rappelle la direction, celle qui te mènera à bon port, l’inexorable havre, sans que tu ne t’égares en chemin.

Car là est bien l’important. Puisque la destination est connue, puisque tout voyage à son terminus, alors seules importent les escales. Quelles soient nombreuses, belles, fastueuses, joyeuses. Et que chacune forge un souvenir impérissable pour que tu puisses la revivre sans fin et ainsi atteindre un bout d’éternité.
La nostalgie est un élixir de jouvence. La source pure conférant l’immortalité à celui qui sait s’y abreuver avec raison. Elle est d’utilité publique. Elle devrait être remboursée par la Lamal s’il elle avait quelque valeur pécuniaire.
Mais elle ne coute rien que le petit effort de s’y abandonner.

Et si le temps coure. Si chaque jour qui passe fait du futur d’hier le passé de demain. Si chacun de tes pas te rapproche de ton dernier, de l’ultime avant le grand saut. Après tout qu’importe.
La nostalgie est là pour, le temps d’une rêverie, inverser le cours du temps.