Bonjour
ami lecteur. Septembre s’étire avec lenteur, à petits pas il nous amène vers
les rives de l’automne naissant. Le petit pas du promeneur qui flâne sans but
ni raison, sur les chemins, en rêvassant.
Ne
trouves-tu pas que les langueurs de Septembre résonnent comme les sanglots
longs d’une mélopée nostalgique ? Un interlude léger entre deux mouvements
de la symphonie de la vie.
Septembre
est un pont entre les fleurs fraiches de l’été qui se fanent et les éclats de
pourpre et d’or qui iriseront bientôt nos villes et nos campagnes. Un instant
où l’on pourrait presque voir le temps suspendre son vol infini.
Et
la nostalgie donc. Délicate alchimie qui change les jours défunts en souvenirs
qu’on commémore sans fleur ni couronne. Pas de regrets éternels ici. La
nostalgie est une fête, la célébration d’un passé qui, pour être révolu n’en
fut pas moins heureux.
Moi,
tu me connais : toujours joyeux, gai, primesautier, peu de soucis, pas de
chagrins. Je coule ma douce existence sur les rives de mon lac enchanté sans
trop songer au lendemain.
Trop
occupé à vivre le jour présent dans la quiétude de mes terres vaudoises. Mon cher
foyer. Les bras de ma douce et les rires des enfants que le temps emporte
parfois avec lui mais pour mieux nous les ramener. Quelques bons amis, même si
point trop n’en faut, et quelques savoureux nectars pour les agapes idoines…
Savourer,
gouter avec délice aux petites joies quotidiennes, en apprécier chaque seconde
qui s’égrène dans le grand sablier… et se forger les souvenirs de demain.
Car
le présent est fugace, c’est un éphémère qui nait, vit et meurt dans la même
seconde. Tellement ténu qu’il serait presque immatériel. Il est comme l’eau
vive coulant entre nos doigts, il s’enfuit déjà, il s’échappe, il n’est plus.
Ou plutôt, il n’est plus qu’un souvenir. Une image. Une icône. Et la nostalgie
n’est autre que le conservateur averti de notre petit musée personnel. Elle
arrange, elle ordonne, elle nous présente ces œuvres qui furent les nôtres :
les souvenirs présents de nos heures passées.
Le
long fleuve tranquille du temps s’écoule inexorablement et nous entraine vers
cet estuaire que l’on espère lointain. Le grand océan du vide. La fin.
Oh,
les rives sont belles et la croisière plaisante. A chaque instant. Chaque
seconde. Milles petits bonheurs à vivre entre les écluses qui parsèment le
parcours. Tous ces gens que tu croises et qui te font signe depuis les chemins
de halage.
Et
ce courant toujours plus fort qui t’emporte. Tu as beau hisser-haut les focs et
les trinquettes, courir dans les haubans, tirer des bords et louvoyer, tu ne
peux pas lutter. Le vent te pousse vers le grand large. Alors plutôt que de te
démener en vain, plutôt que de passer de bâbord en tribord et de tirer sur les
drisses à t’en bruler les mains. Laisse béton.
Contente-toi
de tenir la barre pour que ton vaisseau file droit et évite les récifs
scélérats qui affleurent de-ci de-là. Les yeux fixés sur l’horizon dis-toi que
le meilleur reste à venir.
Et
pour mieux t’en convaincre revis les jours enfuis. Repense à toutes ces belles
choses qui te sont arrivées. Ce que tu as vécu et que tu peux vivre encore.
La
Nostalgie est ton compas, ta boussole. Elle te rappelle la direction, celle qui
te mènera à bon port, l’inexorable havre, sans que tu ne t’égares en chemin.
Car
là est bien l’important. Puisque la destination est connue, puisque tout voyage
à son terminus, alors seules importent les escales. Quelles soient nombreuses,
belles, fastueuses, joyeuses. Et que chacune forge un souvenir impérissable
pour que tu puisses la revivre sans fin et ainsi atteindre un bout d’éternité.
La
nostalgie est un élixir de jouvence. La source pure conférant l’immortalité à
celui qui sait s’y abreuver avec raison. Elle est d’utilité publique. Elle
devrait être remboursée par la Lamal s’il elle avait quelque valeur pécuniaire.
Mais
elle ne coute rien que le petit effort de s’y abandonner.
Et
si le temps coure. Si chaque jour qui passe fait du futur d’hier le passé de
demain. Si chacun de tes pas te rapproche de ton dernier, de l’ultime avant le
grand saut. Après tout qu’importe.
La
nostalgie est là pour, le temps d’une rêverie, inverser le cours du temps.