lundi 25 mars 2013

Maman, les p'tits avions...

Bonjour ami lecteur, je te commence ce petit billet bien installé dans un de ces confortables fauteuils du Business Lounge Swiss. Quelques petites douceurs pour accompagner mon Bombay Sapphire et un peu de temps devant moi pour laisser vaquer les subtils rouages de mon cerveau fécond à leurs occupations édifiantes : une certaine image du bonheur.

Aéroport donc. Un portail vers l’ailleurs. Un sas plutôt… Une porte côté intérieur : ton point de départ vers d’autres rivages inconnus ou moult fois fréquentés. Une porte vers l’extérieur : l’arrivée, la destination temporairement finale de tes pérégrinations. Entre les deux : un vol plus ou moins long et plus ou moins agréable selon avec qui tu voisines.
C’est beau un aéroport. Beau comme une ville la nuit. Moi j’aime en tous cas.

Oh certes, aucun aéroport du monde n’aura jamais le charme romantique d’un port maritime. Du moindre petit port de pêche aux grands ports hauturiers, ce sont des lieux magiques dont un miens ami, pirate au grand cœur et à la plume alerte, te parlerait mieux que moi. Il saurait te faire voir la brume du petit matin qui se lève sur les quais et les silhouettes spectrales de Cargos au long court. Il te dirait l’odeur prégnante des embruns et le cri des Albatros dans les aubes naissantes. Il te ferait toucher du doigt les charmes vénéneux de cette ligne d’horizon qui t’aimante, qui t’attire… Et t’en resteras sans voix…
Mais il n’empêche, c’est beau un aéroport. Et je ne m’en lasse pas. Malgré la répétition sans fins des mêmes rituels.

L’arrivée au Parking pour commencer : chercher une place. Une sinécure en début de semaine… Un enfer à partir du Mercredi matin à causes de mes insupportables contemporains qui, non seulement ont eu l’idée stupide de voyager le même jour que moi, mais n’ont en plus même pas pris la peine d’emprunter les transports en communs. Non… En voiture qu’ils sont venus, indifférents à la pérennité de notre belle planète… Moi ce n’est pas pareil… Je n’aime pas les transports en commun… Trop de monde… Et puis c’est beau un parking si t’y penses. L’odeur d’essence, le reflet des chromes sous les lumières froides des néons… Mais les autres… Hein ? Pourraient faire un effort. Venir à pieds…
Ah… Voilà… J’aperçois enfin une place. Je m’y glisse dans une manœuvre parfaite, coupe le moteur. Ca y’est. A partir de cet instant mon voyage commence enfin.
Je prends mon élégante mallette Alfred Dunhill et la valise Lancel qui m’accompagna dans tant de périples qu’elle commence à en afficher les outrages…Mais j’aime son côté pratique. Je me dirige vers les ascenseurs. J’attends… J’attends que les uns et les autres, les autres surtout d’ailleurs, aient pu gagner leurs étages respectifs… Pourraient prendre les escaliers les cons…
Enfin la porte s’ouvre et j’entre dans la cabine. J’appuie sur le bouton marqué « Départ »… Et ce simple mot en lettres noires sur fond argenté est déjà annonciateur de plaisirs ineffables. 

Le hall… Ca courre, ça se bouscule, ça grouille de partout… Qu’est-ce qu’ils ont tous à s’en venir ici au même moment que moi… Avec leur tronche de ravis de la crèche. Heureux de partir en vacance les cons… Se délectant déjà des séances photos qu’ils infligeront dès leur retour à des amis qui les regarderont en souriant benoitement tout en les maudissant de leur faire subir ça… Ils me gonflent… Surtout l’hiver avec tous les ignobles qui s’en viennent skier sur nos montagnes, souiller nos neiges immaculées… Dès l’Aérogare qu’ils nous emmerdent… Avec leur sac à ski qu’ils trimballent ostensiblement avec force distribution de coups à droite et à gauche… Maudits soient-ils…
Pourtant… C’est beau un Hall d’aéroport. C’est une Nef post-moderne, le Narthex de ce temple à Hermès… Hermès, le dieu hein, pas la célèbre marque… Quoique cette dernière soit bien sûr présente dans tous les aéroports dignes de ce nom… Mais bref…
Le Hall donc… Là où tu peux encore choisir de faire demi-tour, de ne pas partir vers l’ailleurs qui te tend les bras… Ou d’y rester si tu es là pour ton vol de retour… Mais bon… T’as encore le temps de te décider parce que, comme tout voyageur avisé, tu es venu en avance. Alors profite… Alors regarde le ballet des quidams qui se croisent et s’entrecroisent sans se voir…Sans se regarder… Sauf ce type, ce gros mec, qui se retourne au passage d’une accorte Hôtesse de l’Air, pas encore tomber dans les bras du bagagiste volage que tu sais…  Ecoute le bruissement des conversations et la succession des annonces qui disent comme quoi le Passager Dupont ferait bien de se magner la rondelle s’il ne veut pas que ses bagages se retrouvent sur le Tarmac…
Allez… Il est temps de s’enregistrer… L’Hôtesse au sol est un Hôte mais il est quand même gentil. Il attache l’étiquette ad-hoc à ma valise et je la regarde tapis-rouler vers les entrailles mystérieuses de l’aéroport, en priant secrètement pour qu’elle n’aille pas se baguenauder à Petaouchnock ou ailleurs quand moi je pars pour Johannesburg…
Le préposé à l’enregistrement me tend mon billet et me rend mon passeport et je m’en vais de ma démarche souple et élégante vers le point de contrôle sécurité.

Là encore, ça commence par l’obligation de patienter de trop longues minutes derrière des quidams d’une lenteur exaspérante… Même en bénéficiant des files prioritaires comme ton billet Business t’y autorise, t’as toujours un con qui s’en vient se mettre entre toi et le petit verre que tu vas t’offrir dès que tu auras rejoint le Lounge. Le comble, c’est les mous de la coiffe qui, après avoir passé 5 mn dans ladite file, trouvent encore le moyen de ne pas être prêts quand arrive leur tour. Je les hais. Ils te feraient presque passer le gout du voyage ces cons. En plus, si tu n’as vraiment pas de bol, tu vas encore te retrouver derrière eux au moment du Contrôle des Passeports et là encore ils se pointeront vers le Garde-Frontière sans avoir déjà leur Passeport dans la main… Je les hais derechef et à l’avance pour le temps qu’ils vont me faire perdre…
Déjà que de devoir poser ceinture, montre et parfois chaussures pour des pseudo-contrôles à l’efficacité douteuse… Mais bref… Un mauvais moment à passer… Pis te voilà de l’autre côté… Par encore à destination mais déjà plus vraiment chez toi… Presque parti…

Quelques boutiques avenantes présentent quelques produits supposés attractifs aux yeux envieux et au portefeuille en berne des péquins en goguette. S’ils sont dans l’attente de leur vol retour, pigeons comme je les sais, ils se rueront sur les boutiques de Souvenirs. Ultime chance qu’il leur reste d’emmerder leurs proches en leur rapportant des bibelots pourris dont ils n’auront que faire. Trois cartouches de clopes et deux bouteilles de mauvais whisky plus tard, tu les croises, ployant sous la charge… Heureux d’avoir claqué leur pognon…
Pourtant, c’est beau une Zone Hors Taxe… Très beau même dans certains aéroports qui ont le bon goût de t’offrir quelques échoppes sympathiques… Hermès dont je te causais plus haut, Hacket, Thomas Pink… tant d’autres… De quoi parfaire sa garde-robe casual ou t’offrir quelques accessoires…

Passage par le Lounge aussi… Un petit verre, deux ou trois petits fours… Quelques mails… Dernier coup d’œil à la Pres’ pour demain… Les Echos et l’Equipe… Une partie de tarot sur ma tablette… Coup d’œil au tableau… Embarquement annoncé… Enfin…
Salle d’embarquement… Je tends mon billet et l’hôtesse le passe sous son scanner, me souhaite un bon voyage dans un charmant sourire et passe au passager suivant…
Je pénètre dans l’avion. Siège 12K. Merde… J’ai oublié de demander d’avoir un siège isolé. Avec un peu de bol il n’y aura personne à côté de moi. Je m’installe. L’Hôtesse me prends ma veste et me propose un verre… L’avion se remplit… Trop… Beaucoup trop… Et bien sûr j’hérite d’un passager à côté de moi… J’espère qu’il ne lui prendra pas l’envie de me parler… Je regarde par le hublot… La nuit tombe sur Genève… Annonce du pilote… On attend deux constipés du bulbe qui ne savent pas lire l’heure… Putain… Si ça ne tenait qu’à moi… Départ prévu à 19h00 ? Je ferme la porte à 18h55 et tant pis pour les retardataires de mes deux.
Enfin les voilà…

Fermeture des portes et enchainement des procédures… L’avion recule. Nous partons.