mardi 22 janvier 2013

Foiridon à Montreux City

Bonjour ami lecteur… Tu l’auras sans doute remarqué mais les temps qui courent ayant par trop vu les mous du bulbe manifester leur haine, j’ai eu quelques tendances à mettre baïonnette au clavier et à charger sus aux faibles d’esprit et pauvres de cœur…   Au point que certains crurent bon de m’intenter moult procès risibles sur le sujet, sans autres buts, certes, que de dissimuler leur propre vilénie non assumée.
J’assume bien évidement jusqu’au dernier pixel de mes propos et reste persuadé que ce combat contre l’ignorance crasse et la bêtise était juste et bon… J’irais même jusqu’à prétendre qu’il était nécessaire… Et c’est donc avec la certitude du devoir accompli que je viens aujourd’hui dans un tout autre but…

Aujourd’hui, il n’est pas question de molester du fâcheux à coup de phrases savamment ciselées et autres contre-arguments inopposables. Aujourd’hui, je positive ! Et plutôt que de mettre en avant les turpitudes de quelques-uns, qu’il me soit permis d’évoquer ici la grandeur d’un homme… De toute façon, je suis ici chez moi et donc peux me permettre tout ce qui a l’heur de me plaire sans avoir à quémander une quelconque autorisation…

Alors, pour commencer ce petit éloge, hélas funèbre, il me faut t’inviter à un petit voyage ami lecteur… Un voyage qui te demandera un petit effort d’imagination dont je te crois capable malgré tes moyens limités… Tu es prêt ? Alors allons-y…
Allons tous à Montreux, sur les rives enchanteresses du Lac de Genève… Je t’y convie non pas pour enregistrer un disque comme d’autres avant nous, mais simplement pour te bonnir l’histoire d’un mec… Un mec pas comme les autres… Un type hors norme… Et pas parce qu’il était homosexuel avoué et grand promoteur du Partenariat Enregistré, mariage pour tous à la mode Helvète et en vigueur depuis 2005 dans ce beau pays… Non… Sa vie privée n’a pas grande importance lorsqu’il s’agit de mesurer sa vie à l’aulne de sa contribution à l’amélioration de celle de ses contemporains.
Ce qui compte, ce qui fait de lui un être exceptionnel, c’est qu’il est parti de presque rien pour arriver très loin quand tant tellement passent leur vie à n’aller nulle part tout en s’agitant beaucoup…
Mais, maintenant que nous voilà sur place, au bout du bout de ce lac, aux confins du Canton de Vaud, je te demande encore un petit effort d’imagination pour remonter non plus le cours du Rhône mais le temps…

Imagine… Imagine la première moitié des Années Cinquante… Et un gamin un peu rebelle qui sue sang et eau devant un piano…de cuisine… Un apprenti cuistot comme il y en a tant d’autres dans ce pays réputé pour ses écoles hôtelières… Mais pas comme les autres… Si tous ses sens sont sans doute dirigés vers l’accomplissement de sa tâche, au point d’être honoré du titre de Meilleurs Apprenti de Suisse, il en est un qui s’égare et papillonne : Les esgourdes…
Sourdes au tintamarre généré par la brigade en ordre de bataille: les ordres aboyés, les tintements des cuivres, le bruissellement des sauces en ébullition… Les Portugaises du jeune homme se tendent vers un objet presque incongru dans une cuisine : un poste de radio… et la musique qui s’en échappe… Alors, toi, lecteur perspicace, tu ne manqueras pas de me faire remarquer qu’entre le Piano et les Cuivres déjà évoqués et la Batterie de Cuisine… Il ne fallait pas s’étonner que le jeune homme en question puisse éprouver quelques inclinations non-coupables pour la musique en générale et le Jazz en particulier… Merci Daniel Filipacchi…

Et voilà notre petit mec qui termine son apprentissage et comme il a de la suite dans les idées, et qu’il est plutôt du genre démerdard, il se dit qu’il pourrait bien joindre l’utile de sa formation toute neuve à l’agréable de sa passion musicale… Et il parvient à se faire engager par le Centre de Congrès de Zurich ce qui lui permettra d’assister aux performances des plus grands Jazzmen de l’époque…
Petit saut temporel pour retrouver notre jeune homme, fort d’une nouvelle formation dans les domaines de la finance et de la comptabilité et d’une petite expérience en tant qu’employé de banque… Orientation qui aurait pu tuer dans l’œuf ses coupables penchants…pour cette musique qu’ils étaient nombreux à l’époque à qualifier de Musique de Nègres ce qui tendrait à prouver que la Connerie de la plupart est une constante  immuable…
Mais heureusement il n’en fut rien et c’est au contraire ces compétences nouvellement acquises qui allaient permettre bientôt l’accomplissement de l’œuvre incomparable du Monsieur…
Parce que c’est ainsi qu’il se retrouve bientôt à Montreux, à l’Office de Tourisme et rapidement en charge de l’organisation des Evènements… Evénements musicaux bien sûr… et à forte orientation Jazz & Rock…
Par la suite, une chose en entrainant une autre et l’enthousiasme et la pugnacité du gonze faisant le reste… Nous voilà en 1967… An 1…

1967, date du premier Montreux Jazz Festival qui, au court des 46 ans à venir, allait voir défiler la fine fleur de la musique… Le Jazz certes… Mais le Blues aussi et le Rock bien sûr et son Archange Métallique… Un peu de Pop aussi et quelques sonorités exotiques… Pluriculturalisme de rigueur ! Sus à la ségrégation et à l’obscurantisme…
Combien de vocations ? Combien de jeunes artistes lancés dans le grand bain via ce Festival devenu un mythe ? Un passage presque obligé pour les plus grands groupes lorsque l’organisation de leur tournée le permet…  
Sans parler d’un Riff mythique sur lequel des millions de guitaristes débutants allèrent bientôt faire leurs gammes…
Et moi, et moi, et moi… Sept ans que je ne manque pas un rendez-vous à l’exception de 2008 pour cause de naissance de ma fille adorée… Six éditions… Et des soirées inoubliables… Un peu de Soft Jazz avec Peter Cincotti et Mélody Gardot, un brin de Pop avec Paolo Nutini et Roger Hodgson, un étourdissant mix latino-blues-jazz avec l’immense Carlos Santana, un festival de Slide avec le trop méconnu Derek Truck, un survol acoustique de la carrière du grand Chris Cornell, du Oldies but Goodies avec l’inénarrable Billy Idol et Foreigner, du un peu plus lourd avec 69 Chambers et Nightwish… et tant d’autres…
Sans parler des à-côtés… La scène extérieure et toute la promenade le long du lac avec ses stands de restauration et son ambiance particulière…
En vérité je te le dis ami lecteur, au MJF on se doit d’assister au moins une fois dans sa vie ! A défaut je n’irais pas jusqu’à dire que tu auras raté la tienne mais elle aura à jamais comme un léger goût d’inachevé… Rassure-toi… Le Festival, c’est tous les ans et en la matière le cap des Cinquante ans n’a rien de rédhibitoire…
Surtout, et même si le soleil brillera sans doute moins fort et moins loin sur les éditions à venir, the Show Must Go On comme le chantait Freddie Mercury statufié sur la rade Montreusienne…
Le Festival continuera tout comme le Casino renaquit de ses cendres après le célébrissime incendie de 1971 quand Frank Zappa était sur scène et que Funky Claude courrait dans tous les sens…

Le 10 janvier de cet an de disgrâce 2013, à l’aube, la brume matinale enveloppa le Lac de Genève d’une fumée spectrale… le soleil se leva embrasant le ciel… Et plus rien ne fut et ne sera comme avant…
Claude Nobs s’en est allé taper des boeufs sous d’autres cieux plus cléments que notre monde en décrépitude… Un monde qu’il a contribué à rendre meilleur ou à tout le moins plus acceptable chaque première quinzaine de Juillet de chaque année que mon Divin ami fait depuis 46 ans…
Repose en Paix ami Claude… Que les trompettes célestes aient des accents de Jazz et que la fête dure jusqu’au bout des temps… La Camarde est passée par là mais elle t’a rendu immortel comme tous ceux qui laissent derrière eux une œuvre impérissable et la marque indélébile de leur passage sur cette terre…
Adieu donc…
Et pour te dire au revoir… Laisse-moi empoigner ma guitare et te jouer une dernière fois ce Riff intemporel :
TIN, TIN, TINNNN… TIN, TIN, TINDIN… TIN, TIN, TIN… TIN…DINNNNNNNN….