Bonjour
ami lecteur. Moi, tu me connais. Je ne te cache jamais rien. Je te sers
toujours la vérité. Je me dois donc de t’informer de la dernière en date :
Moi, j’suis de Gauche !
Bon…
Ne tombe pas en syncope et encore moins de ta chaise… Cette surprenante
information n’est que la transcription plus ou moins littérale de l’affirmation
d’un grand con qui se croyait malin en me traitant… de gauchiste… Je
regretterais presque de ne pas y avoir mis un pain avant qu’on ce soit quitté
mais, comme tu le liras plus loin, les circonstances ne s’y prêtaient pas.
Parce
que moi, tu me connais, et donc tu sais bien que le Ytse n’est pas de gauche et
encore moins de droite… A moins que ce ne soit l’inverse… A vrai dire je ne
sais plus depuis que l’autre mou du bulbe m’a tenu ce propos péremptoire… Bref,
tu me sais apolitique, d’aucun bord si ce n’est du mien et encarté dans aucun
parti si ce n’est de celui d’en rire… Et donc tu t’étonnes… Tu te demandes
comment ce-fait-ce-t-il que… Il me faut donc te fournir quelques explications,
à commencer par le contexte dans lequel s’est tenu le petit échange qui
conduisit l’autre débile à formuler cet avis net et définitif sur mon
orientation politico-morale.
Tout
commença dans un de ces diners plus ou moins obligatoires auxquels ma fonction
m’astreint parfois. Je ne te cache pas que dans ce genre de raout, la qualité
de la table palie souvent celles des convives que tu n’as pas forcément choisis.
Un peu comme lorsque tu te coltines la corvée d’assister au mariage d’un vague
ami et que tu te retrouves coincé entre un de ses cousins éloignés, par
ailleurs fan de tunning et un oncle de la mariée électeur du Front National et
fier de l’être le con…
Bref…
Donc lundi soir, nous partîmes trois de nos bureaux et, faute d’un prompt
renfort, nous vîmes encore trois en arrivant au Windows, sympathique petit
établissement gastronomique sis dans les locaux de l’Hôtel d’Angleterre. Là,
nous étions attendus par trois de nos banquiers qui, mon honnêteté proverbiale
me pousse à le dire, nous avaient invités et par là même payaient l’addition ce
qui prouve qu’on peut être banquier et néanmoins fort urbain… Tu me diras avec
le pognon qu’on leur laisse en commission à chaque montage qu’ils nous
« aident » à structurer… Ils peuvent se le permettre… Mais je
m’éloigne du sujet et tu t’en fous sans doute de ces considérations annexes…
Qu’il soit simplement dit que parmi lesdits banquiers s’en trouvait un dont je
tairai le nom me contentant de le désigner par son initiale… Appelons-le donc
Mr. T… Sans rapport aucun avec l’inénarrable acteur américain…
Or
donc, le repas allait bon train, les plats se succédaient dans une parfaite
harmonie à laquelle les excellents vins que nous servait l’affable sommelier
apportaient une note proche de la perfection… La conversation roulait elle
aussi sur les rails paisibles d’une discussion de bon aloi entre gens de bonne
compagnie. Nous avions vite expédié le sujet purement professionnel, ne
serait-ce que parce qu’ils auraient bien été capables de nous facturer ensuite
le temps ainsi passé à l’évoquer; pour aborder d’autres sujets d’ordre plus
généraux… C’est à l’heure du fromage que la conversation prit un tournant qui
allait conduire à l’irréparable. Je venais d’opter pour un sublissime Bleu de
Termigon, un Brie Truffé Maison et un Saint Nectaire fait à point et l’accorte
préposée aux fromages s’en repartait vers d’autres tables lorsque mon collègue
et néanmoins ami Bill évoqua la victoire de Nadal à Roland Garros.
Le
sujet en lui-même ne valant pas trois mots, le tennis étant par nature un sujet
un poil barbant et le succès du Majorquin une surprise pour personne, nous ne
pouvions qu’en arriver très vite au seul fait marquant de cette finale : les
fâcheux empêcheurs de pousser la feutrine en rond qui interrompirent la partie
par leurs gesticulations grotesques.
De
mon côté, je fis valoir qu’une petite interruption divertissante d’un match de
tennis n’était pas pour me déplaire tout en précisant qu’encore fallait-il
qu’elle soit justifiée par une juste cause fusse-t-elle simplement de faire
rire les spectateurs endormis. Toutes conditions qui ne me semblaient pas
réunies en l’espèce.
Cette
remarque eut pour effet de lancer Mr. T. dans une diatribe à l’encontre du
gouvernement actuellement aux affaires dans ce beau pays voisin du notre.
Il
prétendit que les événements en question n’étaient que la preuve vivante que
ledit gouvernement avait agi inconsidérément en promulguant des lois allant à
l’encontre de la volonté de la majorité de ses administrés et en créant ainsi
des clivages divisant son peuple. Il prétendit même que se faisant, le
gouvernement en question avait agi dans le seul but de mieux régner et de faire
oublier un bilan par ailleurs qualifié de calamiteux.
Moi,
tu me connais, je sais me tenir et jouis d’une parfaite éducation aussi
aurais-je plutôt tendance à considérer que je dois un minimum d’égard à qui
m’invite au Restaurant même si c’est aux frais de sa société. Ce qui aurait pu
m’inciter à ne point répondre aux conneries ainsi assénées par Mr. T. avec
force effets de manches et autres dangereux mouvement du couteau dont il se
servait pour porter à sa bouche les morceaux de Gruyères en parfait malotru
qu’il était.
Mais
bon…. Le moyen de ne pas réagir à ça ? Hein ? Je te demande ?
Alors
j’expliquais posément ce qui pouvait paraitre évident à quiconque est doté d’un
minimum de sens commun, à savoir que les manifestations en question n’étaient
que la résurgence éminemment intempestive des petites haines bien tenaces de
certains, de l’énième expression de l’étroitesse d’esprit des mous du bulbe qui
considèrent la patrie en danger dès lors que leurs principes moraux de merde se
heurtent à l’évolution heureuse et naturelle des mentalités et des lois qui
vont avec.
Ce
à quoi il répondit que, quelles que soient les idées que ces gens voulaient
défendre, ils en avaient le droit puisque jusqu’à preuve du contraire la France
se voulait une démocratie. Avant d’ajouter que cependant cela ne l’étonnait pas
de voir ceux qu’il qualifia alors de « bienpensants » vouloir empêcher ceux qui avaient des
opinions contraires aux leurs de pouvoir les exprimer.
Je
répondis bien évidement que les ceusses qui manifestent encore et toujours
contre cette évidente égalité de droit enfin offerte à tous avaient
effectivement le droit absolu d’être des gros cons enfermés dans leurs idées
étriquées d’un autre âge. Qu’ils avaient le droit de trouver dans des livres
soi-disant saints mais surtout très apocryphes (et grandement hypocrites)
l’expression de la parole de qui ils veulent et tout aussi bien le droit de s’y
tenir contre vents, marées et tout sens commun. Qu’ils avaient même sans doute
le droit de crier sous tous les toits ce qu’ils pensaient de travers à propos
des bancs verts et de ceux qui les occupent quand ils ont le malheur d’être de
même sexe, voire de tout autre sujet sur lequel ils ont leur petite opinion
bien tranchée… En gros… Qu’ils avaient le droit, et peut-être même le devoir de
passer pour les cons qu’ils sont en affichant bien haut la couleur de leurs
phobies les plus ignobles… Bref, je leur concédais bien volontiers le droit de
s’exprimer. Et à moi, celui de réagir à leur expression.
Et
Mr. T, poursuivit son délire, indiquant que Dieu merci, bien que Français il ne
résidait plus dans l’hexagone tant tellement le pays allait à sa perte avec
toute cette soi-disant morale bienpensante et gauchisante qui faisait qu’on ne
pouvait plus appeler un chat un chat dans ce pays. Ni appeler un bénéficiaire
du RMI un parasite, Ni un homosexuel un concierge et encore moins un arabe un
voleur sans subir les foudres de quelques gauchos sûrs de leur pouvoir depuis
que ces cons de Français avaient élu Hollande.
Moi,
tu me connais, j’étais à deux doigts de lui envoyer mon verre de Côte Rôtie
dans la courge et seul mon immense respect pour le dure labeur des vignerons me
retint.
Et
il continua de pérorer expliquant que pour ses nombreux déplacement en France
il avait pensant apposer sur son véhicule des stickers à la gloire des Noirs,
des Immigrés, des Allocataires de toutes espèces et même des PD (Sic) et toutes
autres catégories de la population ayant le vent en poupe et desquelles on ne
pouvait plus rien dire sans risquer ni plus ni moins que le lynchage.
Je
t’épargne la suite du discours puisque tu auras compris à quel genre d’individu
j’avais à faire mais saches qu’il poursuivit sa diatribe contre les vilains terroristes
gauchos attentateurs à la liberté d’expression jusqu’au dessert. Ou tout au
moins jusqu’à ce que je lui dise qu’en matière de lynchage le dernier en date
semblait plutôt avoir été l’œuvre de l’autre bord.
Que
n’avais-je point dit ? Il repartit de plus belle chantant sur tous les
tons que là aussi on pouvait voir toute la puissance de l’hideuse hydre
communiste qui étendait ses vils tentacules jusqu’au sommet des médias les plus
influents et sautait sur la moindre occasion pour reprocher tout et son
contraire au Front National.
Je
pouvais certes le rejoindre en partie sur le sujet et j’avouais avoir moi-même
pensé que plusieurs amalgames critiquables avaient été faits à l’occasion de
cette mort tragique et que les actes de quelques skinheads décérébrés ne
devaient être considérer que comme l’expression des fanatismes de tout bord
poussée jusqu’au bout du bout de la connerie. Tout en espérant que cet
événement permettra peut-être que la question du traitement de ces
organisations para-politiques à tendance extrémiste soit posée. Parce que bon…
On peut continuer d’attendre que ces connards tuent quelqu’un avant de les
foutre en taule pour cela… Mais peut-être qu’un peu de prévention ne ferait pas
de mal…
Et
Mr. T. d’en remettre un couche et de clamer que certes il condamnait l’usage de
la violence mais que ceux de l’autres camp n’étaient pas en reste et que
surtout les actes de violences les plus nombreux venaient des « jeunes de
banlieue » (Sic Bis) et que lesdits jeunes étaient quand même plus bronzés
que qui vous savez… Mais que de ces actes-là, les journaleux aux ordres ne
parlaient pas. Et d’affirmer qu’il pouvait comprendre la population excédée de
voir qu’on donnait tout aux uns et rien aux autres et qu’au final, le
Gouvernement était tout aussi coupable que les auteurs des récentes agressions
homophobes et que les skinheads évoqués, puisqu’il avivait les tensions par sa dangereuse
politique d’immunité pour une certaine classe de la population… Celle des
improductifs (Sic Ter), des fainéants (Re-Sic) et des glandeurs (Sic toujours)…
Parce que merde, ajouta-t-il, la France est quand même bien la fille ainée de
l’église, Laïque mais Catholique quand même et que il allait bien falloir que
certains se le tiennent pour dit ou qu’à défaut ils retournent dans leur pays
vite fait bien fait.
Je
lui fis remarquer que pour beaucoup leur pays était la France et qu’ils
n’avaient point d’autre nationalité ce qui rendait quelque peu compliqué toute
velléité d’expulsion. J’ajoutais par ailleurs que les récentes facéties des
Civitas et consorts avaient démontré, si besoin en était, que qu’importe le
Dieu qu’on prie, la connerie est la même lorsqu’on veut appliquer à la lettre
les préceptes iniques que des religieux fanatiques nous érigent en modèle.
Je
poursuivis en affirmant que le modèle de protection sociale à la Française,
pour n’être pas parfais, ne pouvait pas se résumer aux abus que par nature il
engendrait…
Et
c’est là, alors que le diligent Maitre d’Hôtel et son fidèle Garçon de Salle
nous apportaient nos cafés et nos Armagnacs 1958 que Mr. T. se laissa aller à
affirmer que « [moi] de toutes façons, malgré mes costards sur-mesure, mes
montres de luxe et tout le reste, j’étais de Gauche » le tout asséné avec
tout le mépris qu’il pouvait mettre dans l’usage de ce qualificatif avant
d’ajouter que « je profitais outrageusement du système que je disais
combattre », que je n’étais « rien d’autre qu’un de ces bienpensants
qui pullulaient par les temps qui courent et allaient conduire le monde à sa
perte ».
Moi,
tu me connais, je pouvais facilement réfuter ses arguties bidons mais il se
faisait tard et il fallait que je rentre chez moi… En plus, il me faisait un
peu pitié le Mr. T. tout bouffi de ses petites certitudes et de son orgueil
démesuré… Alors je ne dis rien. Nous quittâmes le restaurant et je le regardais
s’éloigner dans son petit manteau, malgré la relative douceur de cette soirée,
je le regardais regagner sa petite auto et repartir vers sa petite vie de
minable aigri mais surtout malheureux… Alors je haussais mes robustes épaules
et me dirigeais à mon tour vers ma voiture afin de retrouver au plus vite les
riches heures de ma vie trépidante.
Voilà
ami lecteur, tu sais tout de ce qui se passa en ce soir de Juin entre la Poire
et le Fromage et même après. Tu sais comment je me vis catalogué « de
Gauche » moi qui ai plutôt tendance à ne pas aimer les étiquettes quelles
qu’elles soient. Mais pour tout te dire et te resservir encore un peu de la
vérité en salade, benh si être de gauche correspond au profil qu’en traçait
l’autre demeuré. Alors oui, peut-être bien que je suis de Gauche… Ou pas
d’ailleurs, je m’en fous. L’essentiel étant que je reste en accord avec
moi-même sur tous les sujets, même les plus épineux.