mercredi 12 juin 2013

La vérité en Salade.


Bonjour ami lecteur. Moi, tu me connais. Je ne te cache jamais rien. Je te sers toujours la vérité. Je me dois donc de t’informer de la dernière en date : Moi, j’suis de Gauche !
Bon… Ne tombe pas en syncope et encore moins de ta chaise… Cette surprenante information n’est que la transcription plus ou moins littérale de l’affirmation d’un grand con qui se croyait malin en me traitant… de gauchiste… Je regretterais presque de ne pas y avoir mis un pain avant qu’on ce soit quitté mais, comme tu le liras plus loin, les circonstances ne s’y prêtaient pas.
Parce que moi, tu me connais, et donc tu sais bien que le Ytse n’est pas de gauche et encore moins de droite… A moins que ce ne soit l’inverse… A vrai dire je ne sais plus depuis que l’autre mou du bulbe m’a tenu ce propos péremptoire… Bref, tu me sais apolitique, d’aucun bord si ce n’est du mien et encarté dans aucun parti si ce n’est de celui d’en rire… Et donc tu t’étonnes… Tu te demandes comment ce-fait-ce-t-il que… Il me faut donc te fournir quelques explications, à commencer par le contexte dans lequel s’est tenu le petit échange qui conduisit l’autre débile à formuler cet avis net et définitif sur mon orientation politico-morale.

Tout commença dans un de ces diners plus ou moins obligatoires auxquels ma fonction m’astreint parfois. Je ne te cache pas que dans ce genre de raout, la qualité de la table palie souvent celles des convives que tu n’as pas forcément choisis. Un peu comme lorsque tu te coltines la corvée d’assister au mariage d’un vague ami et que tu te retrouves coincé entre un de ses cousins éloignés, par ailleurs fan de tunning et un oncle de la mariée électeur du Front National et fier de l’être le con…
Bref… Donc lundi soir, nous partîmes trois de nos bureaux et, faute d’un prompt renfort, nous vîmes encore trois en arrivant au Windows, sympathique petit établissement gastronomique sis dans les locaux de l’Hôtel d’Angleterre. Là, nous étions attendus par trois de nos banquiers qui, mon honnêteté proverbiale me pousse à le dire, nous avaient invités et par là même payaient l’addition ce qui prouve qu’on peut être banquier et néanmoins fort urbain… Tu me diras avec le pognon qu’on leur laisse en commission à chaque montage qu’ils nous « aident » à structurer… Ils peuvent se le permettre… Mais je m’éloigne du sujet et tu t’en fous sans doute de ces considérations annexes… Qu’il soit simplement dit que parmi lesdits banquiers s’en trouvait un dont je tairai le nom me contentant de le désigner par son initiale… Appelons-le donc Mr. T… Sans rapport aucun avec l’inénarrable acteur américain…

Or donc, le repas allait bon train, les plats se succédaient dans une parfaite harmonie à laquelle les excellents vins que nous servait l’affable sommelier apportaient une note proche de la perfection… La conversation roulait elle aussi sur les rails paisibles d’une discussion de bon aloi entre gens de bonne compagnie. Nous avions vite expédié le sujet purement professionnel, ne serait-ce que parce qu’ils auraient bien été capables de nous facturer ensuite le temps ainsi passé à l’évoquer; pour aborder d’autres sujets d’ordre plus généraux… C’est à l’heure du fromage que la conversation prit un tournant qui allait conduire à l’irréparable. Je venais d’opter pour un sublissime Bleu de Termigon, un Brie Truffé Maison et un Saint Nectaire fait à point et l’accorte préposée aux fromages s’en repartait vers d’autres tables lorsque mon collègue et néanmoins ami Bill évoqua la victoire de Nadal à Roland Garros.
Le sujet en lui-même ne valant pas trois mots, le tennis étant par nature un sujet un poil barbant et le succès du Majorquin une surprise pour personne, nous ne pouvions qu’en arriver très vite au seul fait marquant de cette finale : les fâcheux empêcheurs de pousser la feutrine en rond qui interrompirent la partie par leurs gesticulations grotesques.
De mon côté, je fis valoir qu’une petite interruption divertissante d’un match de tennis n’était pas pour me déplaire tout en précisant qu’encore fallait-il qu’elle soit justifiée par une juste cause fusse-t-elle simplement de faire rire les spectateurs endormis. Toutes conditions qui ne me semblaient pas réunies en l’espèce.
Cette remarque eut pour effet de lancer Mr. T. dans une diatribe à l’encontre du gouvernement actuellement aux affaires dans ce beau pays voisin du notre.

Il prétendit que les événements en question n’étaient que la preuve vivante que ledit gouvernement avait agi inconsidérément en promulguant des lois allant à l’encontre de la volonté de la majorité de ses administrés et en créant ainsi des clivages divisant son peuple. Il prétendit même que se faisant, le gouvernement en question avait agi dans le seul but de mieux régner et de faire oublier un bilan par ailleurs qualifié de calamiteux.
Moi, tu me connais, je sais me tenir et jouis d’une parfaite éducation aussi aurais-je plutôt tendance à considérer que je dois un minimum d’égard à qui m’invite au Restaurant même si c’est aux frais de sa société. Ce qui aurait pu m’inciter à ne point répondre aux conneries ainsi assénées par Mr. T. avec force effets de manches et autres dangereux mouvement du couteau dont il se servait pour porter à sa bouche les morceaux de Gruyères en parfait malotru qu’il était.
Mais bon…. Le moyen de ne pas réagir à ça ? Hein ? Je te demande ?
Alors j’expliquais posément ce qui pouvait paraitre évident à quiconque est doté d’un minimum de sens commun, à savoir que les manifestations en question n’étaient que la résurgence éminemment intempestive des petites haines bien tenaces de certains, de l’énième expression de l’étroitesse d’esprit des mous du bulbe qui considèrent la patrie en danger dès lors que leurs principes moraux de merde se heurtent à l’évolution heureuse et naturelle des mentalités et des lois qui vont avec.
Ce à quoi il répondit que, quelles que soient les idées que ces gens voulaient défendre, ils en avaient le droit puisque jusqu’à preuve du contraire la France se voulait une démocratie. Avant d’ajouter que cependant cela ne l’étonnait pas de voir ceux qu’il qualifia alors de « bienpensants »  vouloir empêcher ceux qui avaient des opinions contraires aux leurs de pouvoir les exprimer.
Je répondis bien évidement que les ceusses qui manifestent encore et toujours contre cette évidente égalité de droit enfin offerte à tous avaient effectivement le droit absolu d’être des gros cons enfermés dans leurs idées étriquées d’un autre âge. Qu’ils avaient le droit de trouver dans des livres soi-disant saints mais surtout très apocryphes (et grandement hypocrites) l’expression de la parole de qui ils veulent et tout aussi bien le droit de s’y tenir contre vents, marées et tout sens commun. Qu’ils avaient même sans doute le droit de crier sous tous les toits ce qu’ils pensaient de travers à propos des bancs verts et de ceux qui les occupent quand ils ont le malheur d’être de même sexe, voire de tout autre sujet sur lequel ils ont leur petite opinion bien tranchée… En gros… Qu’ils avaient le droit, et peut-être même le devoir de passer pour les cons qu’ils sont en affichant bien haut la couleur de leurs phobies les plus ignobles… Bref, je leur concédais bien volontiers le droit de s’exprimer. Et à moi, celui de réagir à leur expression.

Et Mr. T, poursuivit son délire, indiquant que Dieu merci, bien que Français il ne résidait plus dans l’hexagone tant tellement le pays allait à sa perte avec toute cette soi-disant morale bienpensante et gauchisante qui faisait qu’on ne pouvait plus appeler un chat un chat dans ce pays. Ni appeler un bénéficiaire du RMI un parasite, Ni un homosexuel un concierge et encore moins un arabe un voleur sans subir les foudres de quelques gauchos sûrs de leur pouvoir depuis que ces cons de Français avaient élu Hollande.
Moi, tu me connais, j’étais à deux doigts de lui envoyer mon verre de Côte Rôtie dans la courge et seul mon immense respect pour le dure labeur des vignerons me retint. 
Et il continua de pérorer expliquant que pour ses nombreux déplacement en France il avait pensant apposer sur son véhicule des stickers à la gloire des Noirs, des Immigrés, des Allocataires de toutes espèces et même des PD (Sic) et toutes autres catégories de la population ayant le vent en poupe et desquelles on ne pouvait plus rien dire sans risquer ni plus ni moins que le lynchage.
Je t’épargne la suite du discours puisque tu auras compris à quel genre d’individu j’avais à faire mais saches qu’il poursuivit sa diatribe contre les vilains terroristes gauchos attentateurs à la liberté d’expression jusqu’au dessert. Ou tout au moins jusqu’à ce que je lui dise qu’en matière de lynchage le dernier en date semblait plutôt avoir été l’œuvre de l’autre bord.

Que n’avais-je point dit ? Il repartit de plus belle chantant sur tous les tons que là aussi on pouvait voir toute la puissance de l’hideuse hydre communiste qui étendait ses vils tentacules jusqu’au sommet des médias les plus influents et sautait sur la moindre occasion pour reprocher tout et son contraire au Front National.
Je pouvais certes le rejoindre en partie sur le sujet et j’avouais avoir moi-même pensé que plusieurs amalgames critiquables avaient été faits à l’occasion de cette mort tragique et que les actes de quelques skinheads décérébrés ne devaient être considérer que comme l’expression des fanatismes de tout bord poussée jusqu’au bout du bout de la connerie. Tout en espérant que cet événement permettra peut-être que la question du traitement de ces organisations para-politiques à tendance extrémiste soit posée. Parce que bon… On peut continuer d’attendre que ces connards tuent quelqu’un avant de les foutre en taule pour cela… Mais peut-être qu’un peu de prévention ne ferait pas de mal…
Et Mr. T. d’en remettre un couche et de clamer que certes il condamnait l’usage de la violence mais que ceux de l’autres camp n’étaient pas en reste et que surtout les actes de violences les plus nombreux venaient des « jeunes de banlieue » (Sic Bis) et que lesdits jeunes étaient quand même plus bronzés que qui vous savez… Mais que de ces actes-là, les journaleux aux ordres ne parlaient pas. Et d’affirmer qu’il pouvait comprendre la population excédée de voir qu’on donnait tout aux uns et rien aux autres et qu’au final, le Gouvernement était tout aussi coupable que les auteurs des récentes agressions homophobes et que les skinheads évoqués, puisqu’il avivait les tensions par sa dangereuse politique d’immunité pour une certaine classe de la population… Celle des improductifs (Sic Ter), des fainéants (Re-Sic) et des glandeurs (Sic toujours)… Parce que merde, ajouta-t-il, la France est quand même bien la fille ainée de l’église, Laïque mais Catholique quand même et que il allait bien falloir que certains se le tiennent pour dit ou qu’à défaut ils retournent dans leur pays vite fait bien fait.
Je lui fis remarquer que pour beaucoup leur pays était la France et qu’ils n’avaient point d’autre nationalité ce qui rendait quelque peu compliqué toute velléité d’expulsion. J’ajoutais par ailleurs que les récentes facéties des Civitas et consorts avaient démontré, si besoin en était, que qu’importe le Dieu qu’on prie, la connerie est la même lorsqu’on veut appliquer à la lettre les préceptes iniques que des religieux fanatiques nous érigent en modèle.
Je poursuivis en affirmant que le modèle de protection sociale à la Française, pour n’être pas parfais, ne pouvait pas se résumer aux abus que par nature il engendrait…

Et c’est là, alors que le diligent Maitre d’Hôtel et son fidèle Garçon de Salle nous apportaient nos cafés et nos Armagnacs 1958 que Mr. T. se laissa aller à affirmer que « [moi] de toutes façons, malgré mes costards sur-mesure, mes montres de luxe et tout le reste, j’étais de Gauche » le tout asséné avec tout le mépris qu’il pouvait mettre dans l’usage de ce qualificatif avant d’ajouter que « je profitais outrageusement du système que je disais combattre », que je n’étais « rien d’autre qu’un de ces bienpensants qui pullulaient par les temps qui courent et allaient conduire le monde à sa perte ».
Moi, tu me connais, je pouvais facilement réfuter ses arguties bidons mais il se faisait tard et il fallait que je rentre chez moi… En plus, il me faisait un peu pitié le Mr. T. tout bouffi de ses petites certitudes et de son orgueil démesuré… Alors je ne dis rien. Nous quittâmes le restaurant et je le regardais s’éloigner dans son petit manteau, malgré la relative douceur de cette soirée, je le regardais regagner sa petite auto et repartir vers sa petite vie de minable aigri mais surtout malheureux… Alors je haussais mes robustes épaules et me dirigeais à mon tour vers ma voiture afin de retrouver au plus vite les riches heures de ma vie trépidante. 

Voilà ami lecteur, tu sais tout de ce qui se passa en ce soir de Juin entre la Poire et le Fromage et même après. Tu sais comment je me vis catalogué « de Gauche » moi qui ai plutôt tendance à ne pas aimer les étiquettes quelles qu’elles soient. Mais pour tout te dire et te resservir encore un peu de la vérité en salade, benh si être de gauche correspond au profil qu’en traçait l’autre demeuré. Alors oui, peut-être bien que je suis de Gauche… Ou pas d’ailleurs, je m’en fous. L’essentiel étant que je reste en accord avec moi-même sur tous les sujets, même les plus épineux.