En bon passionné, et donc sans mesure ni
raison, je me plais à penser que le Rugby est un jeu à part dans l’ensemble des
activités ludico-sportives qu’il nous est donné de pratiquer ou même simplement
de contempler que ce soit depuis d’inconfortables tribunes dans les frimas de
l’hiver ou dans la quiétude de notre salon…
Non point que je pense que ce jeu
merveilleux soit supérieur aux autres sports mais simplement parce qu’il me
semble présenter moult petits particularismes qui en font son charme… A
commencer certainement par un bon nombre de règles absconses qui demandent à
qui veut s’intéresser à ce noble jeu, un certain investissement avant que de
pouvoir en appréhender toutes les subtilités.
C’est fort de ce constat et de mon amour
immodéré pour la balle ovale que j’avais formé tantôt une entreprise qui, pour
avoir sans doute eu quelques exemples célèbres et plus talentueux que moi, n’en
était pas moins tentante et surtout propice à laisser couler sans entrave le
flot des divagations annoncées à la création de cet espace blogosphérique.
J’avais donc entrepris, sur un précédent
blog, de commettre quelques petits articles sur les particularismes ovaliens
évoqués plus haut et il me semblait intéressant, en ces temps de moindre actualité
sportive, de reprendre lesdits articles en les retravaillant un peu.
Un certain cartésianisme hérité de mon
éducation française me fit commencer par l’évocation de l’acte fondateur de
toutes joutes sportives dignes de ce nom et qui oppose directement au
moins deux adversaires: le Coup d’Envoi…
Si l’on observe un tant soit peu ce qu’il
se passe pour les quelques autres sports, on remarque que la mise en jeu
consiste au choix, soit à chercher à prendre dès l’entame un certain avantage
sur l’adversaire en lui assénant un coup aussi dévastateur que définitif
(Tennis, Volley…) soit à le priver de l’objet du plaisir en confisquant la
balle pour le seul bénéfice de sa propre équipe (Football, Hand Ball…).
Il existe bien une autre variante qui veut
que ce soit l’arbitre qui fasse œuvre de lancer les hostilités en jetant
négligemment le ballon aux joueurs afin que l’un des représentants de l’une ou
l’autre équipe s’en empare (basket, Water-polo…) mais elle non plus n’a pas la
subtile poésie de notre mise en jeu.
Le coup d’envoi, dans le jeu de Rugby, a
ceci de particulier qu’il consiste d’abord à offrir la balle à l’adversaire,
sans doute pour mieux aller la lui contester, mais le fait est là, l’équipe
ouvrant la partie va commencer par faire don à son adversaire de l’objet qui
deviendra ensuite celui de toutes les convoitises et pour le gain duquel il
faudra verser moult sang, sueur et autres larmes…
Ne faut-il pas voir dans ce geste plein
d’abnégation, un héritage des temps chevaleresques où il était de bon ton de
laisser à son adversaire l’honneur de l’initiative… « Messieurs les
Anglais, Tirez les premiers » aurait dit le Comte d’Anterroche au Duc de
Cumberland lors de la bataille de Fontenoy…
Admirable invite que nous reproduisons tous
les week-ends en offrant la première munition à nos opposants… D’ailleurs, il
est à ce point nécessaire d’offrir la balle à l’adversaire dans de bonnes
conditions, qu’une règle veut que nous ne puissions l’expédier à moins de 10
mètres de notre camps…comme pour mieux permettre à l’opposant de recevoir cette
offrande, de se l’approprier, et finalement de tenter de la bonifier….
Oh bien évidemment, on fera aussi en sorte
que la balle s’élève suffisamment haut pour que le temps nécessaire à sa chute
permette à quelques-uns d’entre nous de venir perturber quelque peu la pleine
jouissance du cadeau ainsi reçu mais ceci n’enlève rien à l’offrande
originelle.
On pourra aussi faire en sorte que ladite
balle s’en aille vaquer le plus loin possible en allant tutoyer l’en-but
adverse de sorte que l’opposant doive parcourir quelques distances afin que de
s’approcher de notre propre maison mais on réfléchira à deux fois avant d’user
de ce stratagème manquant quand même pas mal de panache et qui pourrait
illustrer comme une certaine crainte de l’affrontement… Crainte sur laquelle
l’adversaire ne manquera pas de bâtir sa propre conquête triomphante.
Des âmes plus poétiques ont aussi voulu
faire de ce Coup d’envoi si particulier, une iconographie quasi religieuse en
prétendant que le ballon ainsi réceptionné depuis les nuées, était comme un
présent des Dieux qui, en offrant eux-mêmes l’enjeu de la bataille, bénissaient
du même coup les 30 combattants qui allaient s’affronter sur le pré….
L’image est sans doute belle et plaisante
mais connaissant personnellement un desdits protagonistes divins, je sais que
leurs Dimanches sont occupés à bien d’autres choses que de fournir à quelques
hommes l’objet nécessaire au bon déroulement d’un jeu, même des plus plaisants.
Quoiqu’il en soit, dès l’instant où retenti le son du
sifflet, le Rugby montre avec orgueil la noble singularité qu’il n’aura par la
suite de cesse de démontrer tout au long de la partie et même après…