vendredi 18 novembre 2011

Faut-il vous l'envelopper ?


En bon passionné, et donc sans mesure ni raison, je me plais à penser que le Rugby est un jeu à part dans l’ensemble des activités ludico-sportives qu’il nous est donné de pratiquer ou même simplement de contempler que ce soit depuis d’inconfortables tribunes dans les frimas de l’hiver ou dans la quiétude de notre salon…
Non point que je pense que ce jeu merveilleux soit supérieur aux autres sports mais simplement parce qu’il me semble présenter moult petits particularismes qui en font son charme… A commencer certainement par un bon nombre de règles absconses qui demandent à qui veut s’intéresser à ce noble jeu, un certain investissement avant que de pouvoir en appréhender toutes les subtilités.
 
C’est fort de ce constat et de mon amour immodéré pour la balle ovale que j’avais formé tantôt une entreprise qui, pour avoir sans doute eu quelques exemples célèbres et plus talentueux que moi, n’en était pas moins tentante et surtout propice à laisser couler sans entrave le flot des divagations annoncées à la création de cet espace blogosphérique.
J’avais donc entrepris, sur un précédent blog, de commettre quelques petits articles sur les particularismes ovaliens évoqués plus haut et il me semblait intéressant, en ces temps de moindre actualité sportive, de reprendre lesdits articles en les retravaillant un peu.
 
Un certain cartésianisme hérité de mon éducation française me fit commencer par l’évocation de l’acte fondateur de toutes joutes sportives dignes de ce nom et qui oppose directement au moins deux adversaires: le Coup d’Envoi…
 
Si l’on observe un tant soit peu ce qu’il se passe pour les quelques autres sports, on remarque que la mise en jeu consiste au choix, soit à chercher à prendre dès l’entame un certain avantage sur l’adversaire en lui assénant un coup aussi dévastateur que définitif (Tennis, Volley…) soit à le priver de l’objet du plaisir en confisquant la balle pour le seul bénéfice de sa propre équipe (Football, Hand Ball…).
Il existe bien une autre variante qui veut que ce soit l’arbitre qui fasse œuvre de lancer les hostilités en jetant négligemment le ballon aux joueurs afin que l’un des représentants de l’une ou l’autre équipe s’en empare (basket, Water-polo…) mais elle non plus n’a pas la subtile poésie de notre mise en jeu.
 
Le coup d’envoi, dans le jeu de Rugby, a ceci de particulier qu’il consiste d’abord à offrir la balle à l’adversaire, sans doute pour mieux aller la lui contester, mais le fait est là, l’équipe ouvrant la partie va commencer par faire don à son adversaire de l’objet qui deviendra ensuite celui de toutes les convoitises et pour le gain duquel il faudra verser moult sang, sueur et autres larmes…
Ne faut-il pas voir dans ce geste plein d’abnégation, un héritage des temps chevaleresques où il était de bon ton de laisser à son adversaire l’honneur de l’initiative… « Messieurs les Anglais, Tirez les premiers » aurait dit le Comte d’Anterroche au Duc de Cumberland lors de la bataille de Fontenoy…
Admirable invite que nous reproduisons tous les week-ends en offrant la première munition à nos opposants… D’ailleurs, il est à ce point nécessaire d’offrir la balle à l’adversaire dans de bonnes conditions, qu’une règle veut que nous ne puissions l’expédier à moins de 10 mètres de notre camps…comme pour mieux permettre à l’opposant de recevoir cette offrande, de se l’approprier, et finalement de tenter de la bonifier….
Oh bien évidemment, on fera aussi en sorte que la balle s’élève suffisamment haut pour que le temps nécessaire à sa chute permette à quelques-uns d’entre nous de venir perturber quelque peu la pleine jouissance du cadeau ainsi reçu mais ceci n’enlève rien à l’offrande originelle.
 
On pourra aussi faire en sorte que ladite balle s’en aille vaquer le plus loin possible en allant tutoyer l’en-but adverse de sorte que l’opposant doive parcourir quelques distances afin que de s’approcher de notre propre maison mais on réfléchira à deux fois avant d’user de ce stratagème manquant quand même pas mal de panache et qui pourrait illustrer comme une certaine crainte de l’affrontement… Crainte sur laquelle l’adversaire ne manquera pas de bâtir sa propre conquête triomphante.
 
Des âmes plus poétiques ont aussi voulu faire de ce Coup d’envoi si particulier, une iconographie quasi religieuse en prétendant que le ballon ainsi réceptionné depuis les nuées, était comme un présent des Dieux qui, en offrant eux-mêmes l’enjeu de la bataille, bénissaient du même coup les 30 combattants qui allaient s’affronter sur le pré….
L’image est sans doute belle et plaisante mais connaissant personnellement un desdits protagonistes divins, je sais que leurs Dimanches sont occupés à bien d’autres choses que de fournir à quelques hommes l’objet nécessaire au bon déroulement d’un jeu, même des plus plaisants.
 
Quoiqu’il en soit, dès l’instant où retenti le son du sifflet, le Rugby montre avec orgueil la noble singularité qu’il n’aura par la suite de cesse de démontrer tout au long de la partie et même après…