Bonjour ami lecteur, et voici le quatre-vingt-treizième
article que je t’offre sans que tu n’ais à ouvrir ton portemonnaie. Et pourtant
je sais bien à quel point chacune de mes petites scribouilles qui parait est un
évènement pour toi.
Alors je pourrais être tenté d’en tirer avantage,
de m’enrichir et qui sait, peut-être bien que je pourrais ainsi rejoindre le
cercle très fermé des 62 enfoirés qui accaparent 50% des richesses mondiales.
Mais moi, tu me connais, toujours le cœur sur la main et des principes plein
les fouilles : Gratos le blog à Ytse. Gratuit, mais de qualité hein ?
Tu conviens ? Parce que je m’applique, je m’investis, j’y passe du temps,
des après-midis entiers, des weekends complets, ne déjeunant parfois que de
quelques maigres sandwichs.
Tout ça pour que tu trouves ici une corole
d’articles de haute volée où tu peux te délecter à l’envie de mon style
inimitable, de mon sens de la formule, de mes analyses aigües et pertinentes et
autres qualités indéniables. Mais bon, ce n’est point pour t’énoncer ces
vérités bien établies que je t’écris ce jour. Non, je voulais te parler des
apôtres de l’orthodoxie orthographique qui se postent vent debout contre la
soi-disant réforme de l’orthographe dont te causent les journaux.
Ah les cons. Ah les sinistres personnages que
voilà. Des criminels ! Ni plus ni moins. Des assassins qui voudraient
faire passer notre belle langue de vie à trépas et qui en sont fiers les
bougres. Les mêmes fâcheux qui crient, qui pleurent et qui s’indignent chaque
fois qu’un mot venu d’ailleurs s’invite dans notre dictionnaire. Ce mot
d’origine étrangère, et par là même, douteuse, encore moins bienvenu chez nous
qu’un migrant Syrien. Je les hais ces horribles qui ne veulent pas comprendre
que notre langue n’est belle que parce qu’elle est vivante et qu’elle n’est
vivante que parce qu’elle évolue, mue et se développe…
Attention, il ne s’agit pas ici de balayer d’un
geste les us, les coutumes et autres règles orthographiques. Etre vivant
implique nécessairement d’avoir un passé, un présent, un avenir.
Un passé puisque rien ne se crée ex-nihilo. Un
passé et un patrimoine dont il faut être fier, un passé qu’il faut respecter,
mais un passé qu’il faut aussi savoir regarder dans les yeux et le juger à
l’aulne du temps présent.
Le présent d’ailleurs, le présent et son contexte :
le vaste monde qui nous entoure, cette branloire pérenne dont nous parlait qui
tu sais. Un monde qui vit lui, qui change donc et de plus en plus vite.
Et l’avenir donc, un avenir peut-être, un
avenir si… Si et seulement si on sait s’adapter, se préparer, évoluer. Tu as lu
Darwin ?
Un passé et un présent notre belle langue en
dispose sans conteste mais pour qu’elle ait un avenir, il nous faut faire la
chérir, la couver, la protéger comme si elle était un petit être fragile et
sans défense. Un enfant. Notre enfant à tous et envers lequel nous avons des
devoirs. Et comme pour un enfant, il faut lui donner un cadre et des règles.
Mais pour qu’ils soient efficaces, il faut qu’ils soient adaptés, qu’ils
sachent évoluer avec l’enfant qui grandit et son univers qui change.
Et c’est là où les chantres de l’orthographe
selon grand-papa se trompent, pire, c’est là qu’ils te trompent ami lecteur de
peu de jugement. Ils nous mentent tout autant que les fâcheux populistes qui
nous sortent les statistiques les plus improbables, et les plus imaginaires, à
l’appui de leurs diatribes contre les étrangers, les musulmans, les homos ou
tous ceux qui ont le malheur de différer quelques peu de leurs normes
imbéciles.
Ils nous mentent en présentant ce qu’ils
nomment réforme de l’orthographe comme une gabegie totale et la porte ouverte à
toutes les fenêtres de l’acculturation. Acculturation d’ailleurs. Un autre mot
qui sert bien souvent les intentions malsaines des populistes dont je te causais
plus haut. Mais c’est une autre histoire sur laquelle mon excellent article
sobrement intitulé Ca Tourne au Vinaigre
t’apportera tous les éclaircissements nécessaires.
Ils nous mentent parce qu’au contraire, les
corrections apportées ne font que renforcer les règles, les clarifier, les
homogénéiser et par là même, ne font que les rendre plus facilement mémorisables
et par là même, plus facilement applicables.
Ils nous mentent aussi en voulant nous faire
croire que de vieux principes du XVIème siècles et des traditions imbéciles
puissent être garantes d’un bon usage des mots et de leur sens. Mensonge quand
justement, certains de ces usages n’avaient de sens aucun. Je te prends un
exemple : on écrivait événement
et on prononçait évènement, tu parles
d’une logique à la con. A part rendre l’apprentissage du français inutilement
abscons et compliqué à aborder pour les malheureux barbares (je t’invite à
aller voir l’étymologie du mot avant de te rependre en inutiles harangues à mon
endroit) qui voudraient faire l’effort méritoire d’apprendre notre langue.
Alors, j’en entends qui vont me dire que de
parler français, ça se mérite, que l’effort d’apprentissage est au moins aussi
nécessaire que l’effort d’intégration demandé à tout individu exogène désirant
se métamorphoser en un indigène de bon aloi. Moi je veux bien. A condition que
ce ne soient pas les mêmes qui viennent chouiner régulièrement parce que
l’usage de notre bel idiome se perdrait sur la scène internationale. Parce que faut
pas s’étonner mes cons. Moi j’vais te dire, je suis né français et j’en parle
conséquemment la langue mais si tel n’avait pas été le cas, je ne suis pas
certain que je me serrais cassé la nénette à essayer de maitriser les règles
biscornues qui en régissent l’usage.
Et puis, ne sont-ils pas ridicules jusque dans
le choix de leur bannière nos thuriféraires de la rigueur orthographique. Je suis circonflexe ! Tu parles
d’un crédo. Alors, moi, je n’ai rien contre cet accent qui n’est pas plus con
qu’un autre au ton grave ou à la voix aigüe, mais avoue quand même que bien
souvent on se demande ce qu’il vient faire ici. Je veux dire, à part apporter
ici ou là une distinction de sens plus ou moins utile, à quoi sert-il ce bon
vieux chapeau chinetoque. Hein ? Il était grand temps de s’en débarrasser
si tu veux mon avis.
Mais le pire dans l’adoption de l’ami
circonflexe comme drapeau lorsque l’on entend s’opposer à un dépoussiérage du
français, c’est qu’il est surtout lui même un symbole de l’évolution de la
langue, qu’il est aussi la marque d’infamie d’une précédente réforme et que ce
bon vieux « S » pourrait très bien manifester à son tour :
« Circonflexe m’a tuer » pourrait-il scander en manifestant son
courroux en défilant avec les mots qui se virent privés de sa présence. Je te
prends le fenestre d’antan, si
mignon, si parfait avec son « S » précédent élégamment le
« T ». Il ne demandait rien à personne et poum : supprimé,
effacé, désintégré. A tout prendre, je n’ai rien contre. Pourquoi pas. Mais
alors pourquoi aller rajouter ce putain d’accent de mes belles deux au dessus
du « E » ? Pourquoi ? Ils n’assumaient pas leurs élisions
les censeurs d’alors ? Ils regrettaient leurs coups de ciseaux ? Tu
parles d’une bande d’éburnés. Ils en étaient tellement honteux d’avoir coupé du
« S » en pagaille qu’ils en oublièrent toute logique et laissèrent
perdurer un curieux défenestré. C’est
eux qu’on aurait dû vaguer par la fenestre, moi je dis, et leur nouveau
dictionnaire avec.
Un dernier détail, lecteur éclairé, ce qui
donne vie à une langue, n’est-ce pas le Verbe. Non, pas le verbe, partie du
discours désignant le processus évoqué mais le discours lui même. Le Verbe. La
Parole quoi. Celui qui était au commencement de tout. Et là, seule la syntaxe
compte et la grammaire aussi un peu, mais l’orthographe ? Hein ? A
quoi sert-elle cette orthographe dans le discours ? Dès lors, sans bien
entendu nier l’importance de l’écrit, on peut concevoir que, dans l’usage
courant de notre langue, lorsqu’on la parle, la murmure, la crie ou la chante,
on n’a pas à se préoccuper de la bien orthographier. Les combats d’arrière-garde
menés par les conservateurs prennent tout de suite une importance plus
relative.
Pour finir, je vais t’avouer une chose, cette modification
de l’orthographe, je ne suis ni pour, ni contre. Bien au contraire. Mais si
j’ai commis ce petit papier, c’est sous le coup d’une saine colère à force d’à
force d’entendre les cris d’orfraies des sectateurs de la tradition
orthographique. Ils finiraient presque par me faire prendre parti, ces cons,
moi qui aurais plutôt une tendance naturelle à la neutralité dans ce domaine.
Moi qui aimerais en l’espèce pouvoir faire cohabiter mon attachement viscéral à
ce trésor patrimonial qu’est notre beau français si tellement mélodieux et
harmonieux et ma passion pour la liberté. J’avais toujours pensé qu’une
maitrise minimale des normes orthographiques ne devait être que le socle sur
lequel on bâtissait ensuite la rampe de lancement de notre créativité, que
tordre notre langue à des fins littéraires, qu’en briser les règles, se faisait
d’autant mieux lorsque l’on maitrisait ces dernières. Je le pense toujours
d’ailleurs, mais je me demande si je ne vais pas laisser encore plus la bride
sur le cou à mon inventivité et que s’il faut appeler un chat un chat, pourquoi
ne pas écrire un chien un chiain ?
PS :
Dans le premier paragraphe de cette œuvre ébouriffante, j’ai mis en pratique
l’essentiel des modifications apportées par la pseudo-réforme. Je te laisse trouver
lesquelles.